Krysar, le joueur de flûte de Hamelin
7.6
Krysar, le joueur de flûte de Hamelin

Long-métrage d'animation de Jiri Barta (1986)

3ème Festival Sens Critique, 11/16

L’animation a ceci de riche qu’elle peut combiner les vastes étendues d’un imaginaire aux contraintes artisanales de la réalisation. C’est le cas pour tout un pan de ce cinéma, en stop motion, en pâte à modeler ou par le recours aux marionnettes. Celles-ci font toute la force de cette adaptation du joueur de flute de Hamelin, conte médiéval germanique déjà très sombre sur l’invasion, le génocide, l’ingratitude et la vengeance.
Les automates de bois, dans un décor obscur, animent donc une ville progressivement envahie par les rats. Dès le départ, la communion entre les « humains » (ou du moins ce qu’on assimile comme tels, tant leur visages et leurs gestes sont à la fois outrés, robotisés et rendus effrayants) et les rongeurs est faite : même bâfrerie, même sens de la dévoration et de la convoitise. Si le film n’est pas muet, ses rares dialogues sont néanmoins dans un yaourt qui ajoute encore à la déshumanisation des personnages. Toute la première partie consiste en un sens aigu du détail, souvent par le recours au zoom qui passe du décor à une lucarne et donne accès à un décor poreux, propice à l’invasion. Portes, fenêtres, fissures abondent, jusqu’aux galeries qui vont nous montrer la prolifération animale.
Le travail de deux ans est à la hauteur du résultat : profus, ciselé et inventif, à l’image de cette mécanique d’horlogerie qui ouvre le film.
L’arrivée du joueur de flute et son revirement contre l’ingratitude de ceux qui refusent de le payer achève de faire le portrait d’une humanité en pleine décadence. Non seulement, celle-ci continue à vivre dans l’excès, mais le double d’un viol collectif aviné qui fait froid dans le dos et justifie le « nettoyage » de la ville par le protagoniste. Sombre, désespéré et à ne pas mettre sous les yeux des plus petits, l’unique rédemption sera la capacité du magicien à fleurir et verdir un décor minéral dans lequel les rares survivants de cette Babylone iront trouver refuge. Une lueur d’espoir qui conjugue la morale avec l’animation, qui prend dès lors une couleur nouvelle.
Sergent_Pepper
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Animation, Vus en 2014 et Troisième Festival du Film de SensCritique

Créée

le 26 juil. 2014

Critique lue 627 fois

21 j'aime

2 commentaires

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 627 fois

21
2

D'autres avis sur Krysar, le joueur de flûte de Hamelin

Krysar, le joueur de flûte de Hamelin
Adobtard
8

Critique de Krysar, le joueur de flûte de Hamelin par Adobtard

C'est suite aux recommandations combinées et répétées de mon estimable camarade Garcia et de mon non moins estimé camarade Surestimé que je me suis lancé dans ce petit joyau d'animation...

le 31 juil. 2011

13 j'aime

26

Krysar, le joueur de flûte de Hamelin
Kogepan
9

Critique de Krysar, le joueur de flûte de Hamelin par Kogepan

Un film d'animation de marionnettes de bois véritablement magnifique, quoique visuellement très glauque. Je recommande chaudement pour sa poésie et ses marionnettes superbes. Et pourtant je l'ai vu...

le 13 janv. 2011

12 j'aime

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

764 j'aime

103

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

698 j'aime

49

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

612 j'aime

53