Un petit pas pour l'homme, un pas de géant pour Kong

Difficile de savoir si on a aimé le nouveau King Kong en sortant de la salle : doté d'une esthétique léchée et d'une impressionnante direction artistique, le film prend aux tripes visuellement dans des scènes souvent spectaculaires. Pourtant, le manque cruel d'histoire rend le tout superficiel : au final, ce Kong : Skull Island est vide. Vide dans ce qu'il raconte mais aussi vide de sens, car on est loin, à des galaxies, de ce que Peter Jackson avait su distillé dans son bien-aimé King Kong de 2005, véritable oeuvre poétique qui avait su renverser autrefois les codes du blockbuster lambda. Il n'en va pas de même avec ce nouvel opus, qui essaie pourtant de surfer sur la vague à succès Godzilla de 2014 réalisé par le prometteur Gareth Edwards qui avait adopté un parti osé et surtout malin à propos du grand monstre japonais (scènes d'action du point de vue l'humain, ne misant pas sur le spectaculaire -hormis le final- et surtout au travers d'un travail d'une divinisation exemplaire de la célèbre bête). En effet, Kong : Skull Island mise avant toute chose sur l'action et sur le divertissement, sans jamais s'occuper d'installer une once de profondeur aux personnages qu'il présente. Ainsi, le métrage vire au spectaculaire dès les premières minutes, jusqu'à un point culminant lors de la première grande scène de baston qui n'arrive pas à égaler ce qu'avait entrepris Godzilla, tant dans l'approche de la mise en scène peut être trop voyeuriste que dans la cascade d'effets spéciaux qui, sans enlaidir une seconde le film, ne parvient pas à impressionner comme il le devrait.


Si Kong échoue ne serait-ce qu'en partie, c'est en partie de la faute des personnages, diaboliquement caricaturés jusqu'à un point de non retour qui empêche fatalement le travail d'identification du spectateur et empêche l'angoisse de monter puisqu'après tout, peu importe qui vit ou qui meurt, les personnages ne sont pas attachants. Faut-il vraiment parler de John Goodman, un très grand acteur, totalement relayé au second plan à partir de la première demi-heure (et rejoignant ainsi un rôle proche de celui de Cranston dans Godzilla) ? Ou de la chinoise aux cinq répliques qui ne sert à rien ? Ou de Samuel L. Jackson vidé de son charisme à force d'un enchaînement de stéréotypes ? Ou de John C. Reilly encore montré comme le compagnon d'aventure loufoque et amusant ? En ce sens, Kong : Skull Island ne propose pas grand chose à se mettre sous la dent, hormis deux personnages qui ont (quelquefois) des scènes plus mémorables, sans pour autant être réussies : Brie Larson s'en sort plutôt bien, notamment grâce à un charisme évident, et Tom Hiddleston a un rôle plutôt convaincant. Cette absence de recherche dans la profondeur des personnages est exaspérante car elle ne permet pas de se plonger totalement dans le film, et elle pénalise aussi grandement des scènes qui auraient pu être marquantes si on avait ne serait-ce qu'une part d'empathie pour eux.


Cependant, là où Kong : Skull Island ne déçoit pas, c'est au niveau de sa direction artistique. Bien entendu, une photographie typée "Apocalypse NOW", un look rétro des 70's et des shots du soleil ne font pas un bon film, mais cet ensemble d'aspects visuels permettent d'embellir les images, et de proposer quelque chose d'agréable aux yeux (en plus de la jolie Brie Larson, niveau visuel, tout va pour le mieux). Hormis quelques ralentis Snyderiens et autres étourderies de mise en scène, le métrage dispose d'une réalisation de bonne facture, et n'hésite pas à jouer habilement sur les couleurs pour exploser encore plus nos rétines (de la même manière que Godzilla lors de la superbe scène de saut en parachute), mais cela entraîne malheureusement parfois des étourderies scénaristiques considérables (la luminosité du soleil, le jour / nuit beaucoup trop rapide,...).


Hélas, d'autres aspects n'améliorent pas la qualité du métrage : la bande originale composée par Henry Jackman qui depuis quelques mois enchaîne les thèmes passables (mais les morceaux de la bande originale sont sympathiques), l'humour dont on se serait bien passé à quelques passages, des dialogues creux, niais et clichés qui ne font en aucun cas avancer l'histoire mais au contraire la plombe, et une scène finale qui est sensée être larmoyante mais qui ne réussit pas à l'être.


Kong : Skull Island est tiraillé entre une volonté évidente d'en faire un survival mais cette volonté est ralentie par une tentative, qui n'aboutit pas, de raconter une histoire. Le métrage possède d'indéniables qualités (casting cinq étoiles, réalisation plus qu'honorable et photographie somptueuse) mais aussi d'innombrables défauts qui pénalisent beaucoup trop le visionnage du film. A la différence d'un Godzilla, le film laisse peu de place à du suspens et mise tout sur des scènes d'action qui envoient visuellement mais qui n'impressionnent pas tant que ça. Peut être peut-on espérer quelque chose de plus abouti pour le crossover Kong Vs Godzilla, si les personnages seront cette fois-ci approfondis.

Marvellous

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