Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? J’évoquais à propos du Godzilla de Gareth Edwards la difficulté de se frotter à un mythe cinématographique, et il serait injuste de ne pas placer Kong : Skull Island sur le même chemin tortueux et dangereux tant le singe géant est lui aussi présent dans l’inconscient collectif.


Constat d’emblée : Jordan Vogt-Roberts n’est pas Gareth Edwards. Là où le britannique trouvait un relatif bon équilibre entre la commande et le personnel, le cinéaste américain ne transcende jamais son statut de yes man (provenant de la télévision, il est surtout engagé pour ses compétences techniques plutôt qu’artistiques) et Skull Island propose la même mise en scène vue et revue mille fois, sans risques, sans audace, sans âme. Pire, c’est visuellement souvent laid, tantôt dans l’image tantôt dans le bestiaire proposé (les Skull Crawlers, immondes). S’appuyant majoritairement sur un casting de vétérans et comédiens de haut vol, Vogt-Roberts se contente souvent de remplir le cahier des charges, fût-il d’une affligeante banalité voire d’un sempiternel mépris pour le spectateur un peu intelligent. On copie-colle les films sur la guerre du Vietnam par-ci, on applique les recettes de base du film d’horreur par là, et on se retrouve au final avec un film dont aucune image ne se démarque réellement au moment du générique final.


Rien ne fonctionne non plus au niveau narratif : c’est long, c’est lent, c’est chiant, toujours aussi verbeux en essayant de donner de la consistance à un récit qui n’en demande pas tant. Le génie de Marvel a été de positionner ses films comme autant de pièces de puzzle indépendantes, amenant vers un tout logique et cohérent ; dans le MonsterVerse (et tous les “verse” voulant plagier l’écurie gérée par le tacticien Kevin Feige), tout est trop appuyé, tout est balancé en vrac en espérant gagner du temps pour surfer sur la mode avant qu’elle s’estompe. Pris de panique, le scénariste et le studio en oublient carrément d’étudier ses modèles pour s’en inspirer. Exemple concret : le massacre quasi intégral du casting (accent mis sur les vedettes) provient forcément du coup de force de Games of Throne, mais si la série offrait des morts tantôt grandioses tantôt minables des personnages, elle avait aussi pris le temps de préparer le terrain. Ici, les morts nulles s’enchaînent, sans conséquence, flirtant avec la parodie si elle n’était pas entourée d’autant de premier degré en permanence. Et ça a le mauvais goût d’être systématique, en plus.


Difficile de trouver quelque chose à sauver dans ce film tant il n’apporte rien de neuf au mythe kongien (il va même jusqu’à le dénaturer avec sa Belle qu’il laisse partir à la fin) et, pire, n’a strictement aucune plus-value en installant son histoire et ses personnages trop loin dans la timeline pour avoir un quelconque intérêt. Creux et inutile, un échec sur toute la ligne.

Cinemaniaque
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le 26 sept. 2021

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