De plus en plus, le mot d'ordre pour les blockbusters est "univers étendu". Entre les suites en tout genre, les remakes/reboots, les adaptations de comics ou de manga, les blockbusters continuent sérieusement à manquer d'imaginations et commencent à cumuler tout ça. Énième reboot du personnage de King Kong et nouvel univers partagé qui s'inscrit dans la continuité du Godzilla de Gareth Edwards, le film appelle donc à avoir des suites et est le fruit de ses influences, à savoir un "resucée" du cinéma des années 70/80. Car la fausse idée originale de ce Kong: Skull Island est d'inscrire son film non pas dans les années 30 comme nous habituent souvent les films autour de Kong, mais de le placer à la fin de la guerre du Vietnam pour l'imprégner de l'imagerie d'Apocalypse Now, son influence directe.


Legendary prend la même démarche que pour le Godzilla de 2014, débaucher un jeune metteur en scène du cinéma indépendant pour le placer sur une grosse production. C'est ainsi que Jordan Vogt-Roberts, qui avait fait sensation avec son premier film en 2013, The Kings of Summer, se retrouve pour son deuxième film aux commandes de ce nouveau King Kong. Il a la lourde de tâche d'élargir le MonsterVerse mis en place par le studio en prenant la suite du premier Godzilla, et de convaincre un public qui avait eu du mal à accrocher à ce dernier. Néanmoins, malgré ses défauts, Godzilla était un film de cinéaste. Un qui a injecté ses obsessions dans son script et qui a imprégné l'oeuvre de ses tics de mise en scène, a imposé sa vision au monstre mythique. Qu'on les apprécies ou pas, il restait une oeuvre avec des idées et qu'il tenait jusqu'au bout. Ici, on a affaire à un produit totalement dénué de personnalité qui se pose en objet poseur face à ses références nostalgiques qui croit se donner un genre en se donnant une certaine imagerie et qui distille une certaine vision du cinéma old-school.


Beaucoup voit en ce Kong: Skull Island un divertissement jouissif revival d'un cinéma bis des années 80 qui n'existe que dans le seul but de divertir sauf que ce n'est qu'une impression de façade. Le film est avant tout un produit très actuelle qui s'érige sur le vide de son scénario par des images clinquantes, et surtout un propos écolo ras des pâquerettes. Car le tout s'apparente plus à un remake moins maîtrisé du Godzilla de 2014 avec Kong en figure principale, étant donné que le film parle de la même chose et à peut près de la même façon. Kong est un protecteur de la Terre qui se bat contre des méchantes bébêtes pour protéger le monde des hommes, tandis que ceux-ci tentent de subsister. Sauf qu'ici, Kong est encore plus figurant de son propre film que ne l'était Godzilla dans le sien. Car même si l'on voit souvent Kong, il n'a aucune utilité à par casser du méchant. Le personnage n'a aucuns enjeux et aucune profondeur même sa pseudo fascination pour le personnage de Brie Larson est jetée n'importe comment. Dans Godzilla, le monstre devait empêcher les deux autres créatures de se reproduire sinon cela aurait crée une catastrophe sans précédent et il doit se battre dans un environnement urbain ce qui crée un enjeu apocalyptique certain. Kong: Skull Island est quand à lui entièrement dénué d'enjeux.


Impossible de s'attacher ou se soucier des personnages humains tellement ceux-ci sont vides de personnalités et dont leurs morts n'ont généralement aucun impacts. Par moments celles-ci sont d'ailleurs totalement gratuites, certains personnages n'étant là que pour mourir de manière très graphique. Le film ne parvient jamais à cacher leurs aspects chair à canon, ou que ceux-ci ne sont là que pour gaspiller du temps de pellicule, comme le soldat que les héros sont censé retrouvé sur l’île, que l'on suit pendant plusieurs scènes pour le voir mourir en plein milieu du film. Pourquoi ne pas l'avoir fait mourir au début pour montrer directement les dangers de l'île ? Pourquoi avoir maladroitement crée un enjeu autour de ce personnage qui n'aura finalement servi à rien ? De nombreux trous de scénario apparaissent souvent pour un film qui n'a au final rien à raconter. Même le grand monstre antagoniste n'est pas ici une menace sérieuse, jamais on ne ressent qu'il présentera un quelconque danger surtout qu'il est introduit uniquement pour le combat final. On arrivera quand même à s'amuser un peu du personnage assez drôle et touchant de John C. Reilly ou encore du face à face jubilatoire entre Samuel L. Jackson et Kong. Les deux acteurs sont ceux qui s'en sortent le mieux dans leur cabotinage, arrivant à maintenir le spectateur éveillé. Tandis que Brie Larson n'est malheureusement là que pour n'être que la potiche de service, le personnage est mal écrit et fait insulte au talent de l'actrice. Tom Hiddleston, lui, s'est perdu dans son cosplay de Nathan Drake, croyant être dans l'adaptation ciné d'un Uncharted et qui semble être en désarroi face à l'inutilité de son personnage. Le pauvre s'est définitivement trompé de film et lui aussi mérite bien mieux.


L'atout principal, et quasiment unique, est la réalisation. Sur le plan visuel, il faut reconnaître que le film ne déçoit pas. Au delà des effets spéciaux très réussis, on a le droit à une photographie somptueuse et léchée de Larry Fong ainsi qu'une mise en scène énervée et dynamique de Jordan Vogt-Roberts. Non seulement il offre une ribambelle de money-shots dantesques au point que cela en soit indécent, mais il s'impose par la maîtrise de ses scènes d'actions qui brille par leur efficacité et leur lisibilité grâce à un montage impeccable. Pourtant, l'ensemble reste malheureusement un plaisir lisse. Le réalisateur assène un peu trop de clichés sur les films de la guerre du Vietnam avec sa bande son très rock'n roll, mais en plus il ne brille pas par la subtilité de ses symboliques. Mais son erreur n'est de ne jamais prendre son temps, confondant rythme et rapidité. Même si je ne m'attendais pas à un film aussi profond et poétique que le King Kong de Peter Jackson, il faut reconnaître que le film ne lui arrive pas non plus à la cheville en terme de spectacle. Même si le film a plus d'action, il ne parvient pas à lui en donner un poids. Surtout que l'île manque diablement de personnalité. Jackson arrivait à donner une atmosphère particulière à son île et à son bestiaire, chaque plans transpiraient de personnalité et le tout avec une vraie ambiance. Ici c'est générique au possible et donc on peine à s'y émerveiller. La scène d'action où Kong fait face à 2 dinosaures dans le King Kong de 2005, est plus spectaculaire et épique que tout ce que le film tente d'accomplir. Surtout que Skull Island singe souvent son aîné sans jamais retrouver son intensité.


Kong: Skull Island est une funeste déception. Il est le King Kong de son temps, loin d'être la figure tragique qu'il avait pu être et n'est réduit qu'à une attraction à sensations fortes. La profondeur a laissé place à la flatterie visuelle. Il n'existe plus que pour venir se battre et amuser la galerie, il est devenu la créature enchaînée et exhibée à un public que dénonçait ses précédentes versions. Le roi de la nature à finit par être asservi par la cupidité de l'homme. Non seulement le film s'impose comme l'ultime insulte du personnage mais en plus il ne parvient pas vraiment à offrir un divertissement satisfaisant. Même si on rit de ses aspects les plus nanardesques et que l'on reconnait une évidente maîtrise visuelle, cela ne suffit pas à faire un film. Le scénario est vide, sans enjeux et aux personnages qui n'ont que pour fonction d'être des casse-croûtes sur pattes. Le casting à du mal à exister comme l'ombre de Kong qui trimbale sa carcasse plus humaine que jamais mais qui paradoxalement n'a jamais semblé aussi déshumanisé.

Frédéric_Perrinot
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le 10 mars 2017

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