Voici un film qui ne pouvait me laisser indifférent. Déjà l’Histoire, c’est un peu mon boulot donc j’ai, enfin je l’espère, quelques bases. Ensuite les batailles épiques, les épées, j’aime. On rajoute Eva Green, je fonds. Quelques sics pompeuses pour la bande annonce, du désert et le fan de Lawrence que je suis ne peut que se jeter sur le film.

Je n’ai jamais vu la version courte, ce qui visiblement est une bonne chose. KoH c’est pour le moment trois visionnages ; cette critique c’est donc le cheminement d’une réflexion, nourrie par la lecture d’autres critiques de chers éclaireurs, à commencer par Torpenn et Drélium. Pour faire simple je suis d’accord avec les deux bonhommes, même si eux ne le sont pas totalement. Plus de 60 critiques ont été faites, je ne compte pas révolutionner ce qui a été dit ou le redire pompeusement. Oui, ce film alterne le bon et le pitoyable, oui c’est manichéen, oui le scénario de ce forgeron ultra cool capable de repousser un royaume, la paix, Eva Green pour des raisons de morales à de quoi laisser pantois. Oui, les méchants Gui et Renaud sont des caricatures absolues, une sorte de quintessence conceptuelle du méchant perfide.

Alors je ne vais pas trainer en route : j’ai apprécié le film et considère même, en quelque sorte, qu’il est assez intéressant. On va évacuer une évidence ; historiquement, c’est truffé d’erreurs. On a en autant si ce n’est plus dans Troie ou Gladiator qui boxent dans la même catégorie. Je suis pourtant plus indulgent qu’avec un Pearl Harbour ; ce dernier opus narre des faits qui n’ont pas un siècle, pour lesquelles on a une foultitude de docs, y compris vidéos, donc aucune raison d’être indulgent pour un film romanesque qui, par son titre, semble devoir être une leçon d’histoire. La médiévale et l’Ancienne c’est autre chose : époques lointaines, sources incertaines, nous sommes incapables de mesurer toute la psychologie de ces époques. Peindre un portrait totalement réaliste, au regard du coût des films, serait à coup sûr une catastrophe industrielle. On se ferait chier, on ne comprendrait rien. Scott ici veut faire du spectacle, tout est clair d’entrée, je prends comme j’ai pris Gladiator et ses inepties. KoH est donc un film d’aventure dans un Moyen-Âge oriental simplifié et basta. On a un casting alléchant une belle princesse à marier, un public peut au fait de ces faits complexes et lointains donc faisons simple : méchant, gentil, baston, jolis yeux, ralentis, pacifisme, guerre pas bien, religion dangereuse ...
On en vient justement à l’intérêt de ce film ; j’en vois deux. Primo Ridley Scott en dit plus ici sur notre époque que sur ce Moyen-Âge. Comme Les 10 commandements en disent plus sur les USA et leur mythologie que sur l’Egypte de Ramses, KoH nous renvoie en pleine gueule l’instrumentalisation de la religion pour des conflits contemporains. C’est intéressant de voir le trait forcé des chrétiens totalement imbuvables face un Saladin grand seigneur éclairé, au regard du traitement actuel de nombreux conflits. KoH est un film totalement dans son époque et c’est un très bon point. Pearl Harbour avait lui pour seule ambition de couler des bateaux pour le fun autour d’une romance (dixit M.Bay lui-même), Gladiator de relancer le genre péplum, Troie lui emboîtant le pas en visant – et échouant – à rendre un mythe plus historique. Là, KoH a quelque chose de très contemporain et propose une lecture caricaturale pas si naïve de nos propres analyses de nombreux conflits.

Second bon point, le cher Balian. Autour d’un personnage réel, Scott a construit un chevalier idéal pertinent. Balian c’est Richard Coeur de Lion qu’il croise à la fin. Balian mode Legolas, c’est le concept de la chevalerie idéalisée, c’est Lancelot, c’est Roland : c’est toute cette geste autour du mec idéal, du modèle ultime. Le refus de devenir roi et de se taper Eva Green de manière officielle, c’est débile aujourd’hui, totalement raccord avec cet idéal moral d’une chevalerie mythique. Il faut écouter à nouveau le serment d’adoubement. Cet aspect ne s’est imposé à moi qu’après avoir redécouvert la Chanson de Roland, il n’y a pas si longtemps. Scott a vu juste dans ce personnage idéal, même si l’occidental qui explique comment trouver de l’eau c’est WTFesque au possible, même si le mec apprend à devenir un cador de l’épée en 1 leçon. Scott a suivit une logique : quand on y va, on y va à fond.

Peu importe donc si Gui de Lusignan est mal traité, peu importe que le Balian historique a été différent, peu importe le traitement des templiers, peu importe que Saladin ait été moins magnanime (il a évité le massacre généralisé contre rançon …) dans la réalité. KoH est un miroir d’une certaine approche de la géopolitique actuelle, une critique de l’instrumentalisation des lieux sacrés, servit par un casting intéressant (Bloom est ici bien meilleur que dans Troie), par de beaux décors, par une bataille finale dantesque. Un moment sympa, qui permet au néophyte de découvrir l’époque et pourquoi pas de s’y intéresser via quelques livres sérieux. Plus de nuance dans les persos n’aurait pas été de trop, le passé de forgeron n’apporte rien, la fin est trop mignonne mais oui, ce film n‘est pas si mauvais.
Aqualudo

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6

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