La belle, la bête et l’homme pressé

Nul ne doute que le réalisateur du Seigneur des anneaux n’ait intégré le panthéon du "Film de genre". L’expression "cinéma de genre" fait référence à des films codifiés (codes narratifs, passages obligés, familiarité de son public à un canevas), relevant aux yeux de la critique plus de la recette que de l'oeuvre d'art à part entière. Admettons.


Le jeune Peter excelle très tôt dans deux catégories du "genre" : la comédie zombi (1992 : Braindead) et l’amourette fantastique (1996 : Fantômes contre fantômes). Sa trilogie (2001-03) impose au grand public l’heroic fantasy mais, par sa perfection, l’achève. De fait, si l’édition, le jeu vidéo et la figurine tolkiens se portent à merveille, les producteurs hésitent, seul sir Peter parviendra à financer son Bilbo, un prequel aussi inutile que pesant.


Sir Peter est un homme pressé. Il entend bien achever son opération de main basse sur le cinéma "codé". Réalisateur adulé, il dispose d'un budget quasi illimité, 207 000 000 $ soit plus du double de celui du 1er opus du Seigneur des anneaux, pour son projet suivant. King Kong sera son chef d’oeuvre ! N’a-t-il pas conté à mille reprises la découverte de son âme de réalisateur, il avait neuf ans, lors de la projection du film de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsac. King Kong, c’est sa première video, réalisée à l’âge de treize ans, dans le jardin familial à l’aide d’un singe articulé, d’une maquette de l'Empire State Building et d’une escadrille de biplans en plastique. Son King King, ce sera plus de trois heures de grand spectacle, le double de la version de 1933, et l’opportunité pour sir Peter de clore son étude du film de "genre, en dix temps !


1 – Il entame par un séquence brève mais ambitieuse, une incursion dans le réalisme social, une transposition des Raisins de la colère à Broadway : les riches sont obscènes et les temps difficiles.


2 – Il enchaîne par une arnaque, ou comment escroquer ses producteurs ?


3 – Il nous embarque ensuite à bord d’un cargo mixte pour une épopée maritime, au programme Océan Indien, carte au trésor, ile inconnue et Joseph Conrad pour caution littéraire. Nous aurons droit au brouillard, à un début de mutinerie, une boussole affolée, une tempête et aux plus extravagants des récifs.


4 – Mais, déjà, il s’attaque au film d’aventures exotiques : Indiana Jones chez les anthropophages, qui passent sans transition de l’hébétude la plus suspecte à la transe frénétique. La nécessité de conserver un classement « tout public » nous épargne les scènes gores, il se rattrape sur les têtes de mort et les cadavres qui jonchent les décors.


5 – Nous entrons enfin dans le cœur de l’histoire, la chasse au fauve, en deux temps, et découvrons sa version de Kong.


6 – L’intermède suivant, une comédie romantique, est d’une grâce éblouissante. La belle (Naomi Watts) charme la bête. Elle danse, Kong boude et fond, nous avec.


7 – Le répit sera de courte durée. Deux séquences éprouvantes s’enchainent : terreur et survie. L’homme contre les dinosaures, avec une fascinante course poursuite, puis, plus pénible, l’homme et les insectes géants.


8 – Une incursion dans le fantastique, King Kong rencontre le Tyrannosaure Rex de l’ami Spielberg. En bon challenger, sir Peter se doit d’écraser la référence. Kong affrontera non pas un, ni deux, mais trois Tyrex tout en protégeant sa blonde. Mieux encore, ils lutteront en apesanteur, ou presque. Ne reculant devant rien, ils basculeront dans le vide, seulement retenus par d’improbables lianes !


9 et 10 – Il est temps de conclure Après une séquence Disney (Kong et la blonde sur la glace), nous découvrons, bouche bée, la scène mythique, 31 ans après son premier tournage au fond du jardin : Kong, l'Empire State Building et les biplans.

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le 25 mai 2016

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Step de Boisse

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