Kenzo World
6.7
Kenzo World

Publicité de Spike Jonze (2016)

Prenez de la drogue ! Euh non, allez au théâtre ! ...ah bah non, c'est juste pour du parfum.

Une fois n'est pas coutume, je vais marteler les touches de mon clavier afin d'écrire quelques lignes sur... une publicité. En même temps, elle a beau être réalisée par Spike Jonze, elle ne m'est guère plaisante. Et puisque mes éclaireurs ont tous mis une note supérieure ou égale à 7, je ne pouvais pas ne pas rappeler ce que doit être l'essence d'une publicité réussie.


Pour comprendre le cheminement de ma réflexion, il faut savoir que j'ai découvert cette publicité avoisinant les 4 minutes (?!) au cinéma, sans savoir de quoi il s'agissait. Et c'est bien là le problème : pendant 4 minutes, je me suis demandé tour à tour : "Est-ce une bande annonce ?" ; "Une publicité pour le mal de tête ?" ; "De ventre ?" ; "Une serviette hygiénique peut-être ?". Pourquoi diable cette jeune demoiselle semble embêtée au point de sortir de la salle dans laquelle elle se trouve, je ne le savais pas. Et puisque cette publicité m'avait été présentée sans aucune annonce préalable, c'est-à-dire sans qu'il n'y ait écrit "Kenzo Paris" en guise d'incipit comme nous pouvons la trouver sur YouTube aujourd'hui, je n'avais aucun indice pour me mettre sur la voie.


Soudain, la jeune femme se met à avoir des convulsions au visage puis se met à danser sur fond de "Mutant Brain" de Sam Spiegel. Je deviens furieusement perplexe. "Mais qu'est-ce que je suis en train de regarder au juste ?". Je me suis posé la question les deux minutes suivantes. Lorsque la charmante demoiselle arrive dans une salle de théâtre, je me remets à jouer aux devinettes : "Une publicité sur le théâtre ? Le spectacle vivant ? La Comédie Française ?". Sauf que la publicité continue. Encore et encore. Cela s'éternise. On a dépassé les trois minutes et je ne sais toujours pas de quoi il s'agit, sinon que cette femme a l'air d'avoir sacrément besoin d'un psy.


Il faudra attendre 3 minutes et 45 secondes pour qu'enfin je vois apparaître "Kenzo World, The New Fragrance". 3.45 mns pour enfin savoir de quoi il est question, c'est long. Très long. Pour ma conscience personnelle, je fais le test auprès d'une autre personne en lui montrant cette publicité et en lui demandant de deviner avant la fin quelle marque, quel produit cette publicité vante les mérite. Comme moi, cette personne (qui pourtant a étudié dans son école de commerce les affres de la publicité télévisuelle) n'a pas été capable de me donner la bonne réponse. J'en avais du coup acquis la certitude : cette publicité est complètement à côté de la plaque.


Voilà maintenant concernant le retracé historique de mon vécu. Maintenant, prenons le temps d'analyser le problème.


Quelque soit sa forme, son audace, sa durée, une publicité a une mission première et une seule : vendre quelque chose. Lorsque l'on prend le parti de faire une publicité dépassant les 30 secondes, il devient nécessaire de donner des indices visuels ou symboliques du produit/service vendu. Or, dans Kenzo World, il n'y en a aucun. Aucune trace visible ou palpable qu'il est question d'un parfum. Alors certes, nous pouvons entrer dans les détails et parler du thème de la possession, du satanisme, des Illuminati, de l'oeil de Lucifer, "libérez la bête qui est en vous", ou de toute autre explication qui vous conviendra. Qu'importe au fond, car à aucun moment le parfum ou l'idée de parfum nous est présenté.


Si l'on entre maintenant dans une analyse sémantique de ce court métrage, je me dois alors de parler de signifiant et de signifié. Puisque le signifié n'apparaît pas, il faut que le signifiant l'évoque. Ou, pour reprendre la pensée du théoricien Vachel Lindsay, nous sommes confrontés à ce qu'il a définit comme étant le «symbolisme spectaculaire» : rien de ce qui est présent à l'image n'est représenté dans cette publicité. Le plaisir que l'on éprouve est fortement signifiant sans savoir ce que l'on voit. Seulement, là où le bât blesse, c'est que cette publicité n'évoque en rien un parfum. Pour prendre le parfait contre-exemple, je rappelle à vos bons souvenirs la publicité d'Air France que voici : http://www.dailymotion.com/video/xl57fk_pub-air-france-envol-2011-hq_creation. Ici, point d'avions. Nous sommes bien dans un symbolisme spectaculaire, et pourtant nous comprenons très rapidement de quoi il s'agit. La propreté via la surface réfléchissante, la pureté du silence, la grâce de la chorégraphie avec cette jeune femme qui s'envole dans les bras du jeune homme... Cette publicité tente en fin de compte de réhabiliter tout ce qui dérange dans un aéroport et un vol commercial : le bruit des moteurs, les vols agités, la peur qui s'en dégage... C'est fin, simple, poétique, aérien, pour ne pas dire brillant. Ici, il n'y a que le ciel et vous. Alors je vous le demande : en quoi une danseuse qui s'agite dans tous les sens pendant quatre minutes peut nous dire que s'imprégner d'un parfum jamais figuré peut libérer tous nos sens ? Pour ma part, je ne vois pas. A vous de me convaincre de l'inverse !

Kelemvor
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le 12 sept. 2016

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