Un film qui, plus qu'aucun autre, n'a pas valeur d'universel, dans les réactions mises en place, mais qui peut toutefois ouvrir, à son terme, sur un questionnement plus vaste.


On suit un très jeune couple, encore lycéen, pas totalement stabilisé (la fille, Mélanie, vient de gratifier d'une fellation un copain de son compagnon, sur injonction de celui-ci...), confronté à une grossesse précoce. Le diagnostic est balancé dès les premiers plans, lors d'un tchat : "Je suis enceinte", suivi de "Je crois...". Bien que parfois improvisés, les dialogues sont finement agencés, les mots pesés au trébuchet.


D'emblée se creuse un fossé entre les positions masculine et féminine : Mélanie revendique sa grossesse sur un mode assez capricieux, puis promène son gros ventre à la manière d'un joli cadeau attendant d'être déballé. Maxime, plus réfléchi, se montre désireux d'assumer ses responsabilités de père mais se retrouve vite écartelé entre les contraintes liées à la préparation de cette charge et une exigence de présence et de disponibilité auprès de la future maman.


Cette répartition des rôles permet de rendre plausible le retournement final et l'impensable scène de clôture, très forte, au cours de laquelle Maxime se retrouve contraint à prendre congé de son enfant ("Dis au revoir à Papa"), au moment même où il le découvre et l'accueille avec émerveillement.


Scène incroyablement cruelle, suite à laquelle on ne peut s'empêcher de s'interroger sur ce que le réalisateur, masculin, a pu vouloir livrer quant à la dépendance de tout homme, vis-à-vis d'une femme, pour accéder à son propre enfant... On restera sur ce questionnement, habité par la caméra de Guillaume Senez et par ses cadrages qui scrutent les visages comme si elle voulait les soumettre à une échographie.

AnneSchneider
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le 22 mars 2016

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Anne Schneider

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