Kaboom, c'est la nouvelle récréation de Gregg Araki, personnage habitué à ne faire que des récréations. Ce n'est donc pas vraiment une surprise de retrouver dans son dernier film des réminiscences de ses anciens films, ceux de la Teen Apocalypse Trilogy en tête - et plus particulièrement Nowhere, duquel Kaboom est presque un remake moderne, toute la nuance étant dans ce presque. On sait donc déjà que ça va parler de sexe de manière cool et décomplexée, de drogues de manière cool et décomplexée, des jeunes de manière cool et décomplexée : jusqu'ici, tout va bien.

On peut décomposer le film en trois parties, grosso modo : la première, la promesse du film reflétée dans sa bande annonce, ressemble à du Gus Van Sant ou à du Larry Clark, et ne fait pas grand chose de plus que de suivre les pérégrinations amoureuses et amicales de Smith, paumé fondamental à la belle gueule dans un univers trop familier, donc trop perturbant. Cette partie, le spectateur blasé l'a déjà vu mille fois, on sait que dans les campus américains on se vomit sur les chaussures,qu'on couche sans retenue et que tous les gâteaux sont des space cakes, et bien qu'appréciant toujours la technique d'Araki, se met à espérer que le film proposera autre chose (les amateurs du cinéaste savent déjà ce qu'il en sera).

La deuxième partie tombe comme un cheveu sur la soupe, le film virant vers du David Lynch sous acides, avec un développement scénaristique dépassant autant les protagonistes de l'histoire que le spectateur occupé à emballer son rencard de la soirée, émoustillé par la première partie. Bien sûr, quand on connaît un peu Araki on sait qu'il y met une bonne part d'ironie autant du côté de la mise en scène accentuant les effets dramatiques ridicules que du scénario aux twists plus proches de Plus belle la vie que de Twin Peaks, mais peut-être s'agissait-il du film de trop dans ce genre par le réal' : il y manque une certaine verve, cette fougue de la jeunesse qu'il avait lors de la Teen Apocalypse Trilogy. Ça ne reste pas déplaisant, mais les rires sont plus nerveux qu'assumés.

Arrive forcément la troisième partie, à la toute fin du film, s'engouffrant purement et simplement dans la série Z, où l'on ne cherche même plus à comprendre ce qui se passe (bien qu'au final toutes les clés du scénario sont données, on ne tombe pas non plus dans l'incompréhensible total, c'est seulement qu'on a dépassé depuis un moment le moment où l'on s'en occupait), et l'on retourne s'occuper de son rencard, histoire de ne pas trop lui faire regretter ce moment en notre compagnie. Notons tout de même la fin, expéditive et plutôt géniale, de fait, justifiant à elle seule la vision et le titre du film.

Alors voilà, on en ressort circonspects : le moment passé n'était pas déplaisant, mais était-il nécessaire ? Est-ce que rendre un film volontairement mauvais justifie-t-il qu'il se tienne tête haute, qu'on puisse le qualifier d'oeuvre artistique incomprise ? Les premiers films d'Araki donnaient une indication positive quant à la réponse possible, mais Kaboom déconstruit, de manière involontaire, le propre travail d'Araki : dynamiter une certaine idée du teen movie n'implique pas de chercher à le reconstruire tel un monstre de Frankenstein.Le film aura probablement son petit culte, parce qu'il est rose et gay jusqu'à la moelle, qu'être volontairement mauvais est une preuve de qualité, et parce que, tout de même, je n'en ai pas parlé encore, mais le film est très réussi sur un plan purement technique, les couleurs explosant de partout, représentation visuelle d'une jouissance que Gregg Araki a dû avoir en le réalisant.

Pour ma part, je ne l'ai que demie molle. Une déception, et l'espoir qu'Araki se (re)mette un jour à des films moins couillons : Araki, si jamais tu me lis, je crois que tu n'as plus l'âge ni la capacité pour t'enorgueillir sur ta vision de l'adolescence.
BiFiBi
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le 17 oct. 2010

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BiFiBi

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