Conclusion de la trilogie entreprise par Snyder depuis Man of Steel suivi de BvS, Justice League se devait de définitivement lancer le DCU. Mais entre un public impitoyable sur l'ambition scénaristique comme visuelle de BvS et la tragédie familiale de son réalisateur, la prophétie de Luthor revêt désormais une toute autre saveur : "Ding-dong the God is dead".


La Warner aura donc définitivement anéanti le projet de Snyder via ce film rattrapé par le deuil dans tous les degrés de lecture que l'on pourra faire malheureusement. Quand son réalisateur soudait ses intrigues jusqu'à écrire l'histoire de Wonder Woman, jouait des critiques de MoS et ses victimes innombrables pour bâtir son chevalier noir et ainsi prendre à contre-pied son public, Justice League incarne ce virage d'une bâtardise innommable. Les producteurs veulent désormais un monde ouvert sans cohérence ni obligation de continuité afin de multiplier au grès des envies un catalogue super héroïque, sachant que rivaliser avec le MCU est vain désormais. JL incarne alors logiquement cette démarche a priori incompatible avec Snyder (bien que ce dernier avait joué le jeu par son court arc apocalyptique sur BvS malgré tout fondamental et une séquence teaser). Dans ce contexte le départ de notre cinéaste combiné à la caution Whedon est-il pourtant la seule justification ? Snyder a forcément une certaine responsabilité et pas des moindres il faut bien le reconnaître. Pourtant la trahison du résultat est telle que le doute subsistera pour savoir à qui revient la faute qu'importent les retours apportés, et bon sang quelle frustration.


JL ne peut dès lors pas même s’approprier le titre de film malade mais il n'est pas quelconque pour autant. Nous sommes face à une œuvre souvent difforme ici, sans la moindre substance quand le film n'aliène pas carrément l'héritage des deux précédents longs-métrages. C'est par son néant qui le caractérise ainsi que par l'insignifiance globale de ses visuels massacrés que le film se présente. Dès lors l'icônisation pourtant si habilement menée dans Wonder Woman dernièrement disparaît au fil du métrage, exit la moindre tentative d'ambition ne serait-ce que dans l'écriture de nos personnages. Il n'y a aucun liant, aucune évolution. Pire encore à l'image du traitement de Batman c'est le mauvais goût qui domine. Ce film n'a clairement pas d'auteur véritable. L’œil de Snyder se retrouve parfois dans le premier acte mais le montage et Whedon se chargent constamment de briser l'élan de grandiose pourtant si caractéristique de cet univers. JL est alors une pure entreprise de destruction et c'est à ce titre que le film fut pour ma part très pénible à regarder. Les lumières, ces couleurs si caractéristiques, cette gravité musicale propice aux enjeux de poids, il faut désormais en faire le deuil. Le style adopté par le passé n'est plus. De même nos héros ne sont plus des dieux, ils ne sont plus admirables que ce soit par le spectateur comme par les humains de cet univers. C'est là aussi que la chute est brutale, nos héros sont les héros de qui exactement ? A l'exception d'une famille russe inutile que l'on doit sans doute à Whedon ( Avengers 1 et 2), il n'y a personne à sauver dans ce film, seulement un ennemi anecdotique à détruire. C'est alors toute la signification même de la figure du héros qui en serait mise à mal. Sauver devenant ludique le temps d'une course (et cette première scène post générique ...). Gotham n'a jamais été aussi lumineuse de nuit au cinéma, Metropolis si réduite, Themyscira si fausse et vide. L'Atlantis est une farce à elle seule, une anecdote seulement laide à contempler. La comparaison avec les films précédents est alors sans compromis, ce film est une suite et inévitablement les parallèles se font. Lente destruction des héros et de leurs lieux d'action, JL ne se contente malheureusement pas d'être qu'une anecdote grand public. L'entreprise de séduction est lancée et c'est à ce moment là que le film s'écroule inéluctablement.


Snyder est piétiné de toute part et sans doute était-ce déjà le cas lorsque ce dernier était alors aux commandes tant la faillite scénaristique est grande, indigne de certains arcs de la série de La Ligue des Justiciers et c'est peu dire. Snyder voulait très clairement traiter du deuil, de la chute du héros, de l'insécurité et des cultes à vouer aux figures salvatrices (continuité logique des thèmes abordés). La première séquence avec notre amazone confirmant la portée ouvertement politique du projet. Le début du film nous le montre alors clairement mais tout ce ceci s'efface peu à peu. Ainsi le deuil et les craintes de Batman comme son plan sont d'une misère à presque en regretter les pires heures de notre justicier au cinéma, explicitant des absurdités. Calmement le film réécrit sa relation avec l'homme d'acier et contredit la fin même de BvS. Wonder Woman mise en avant dans le film est sans doute la seule satisfaction continue tant celle-ci en impose. Son rôle est grand, regrettable que certaines scènes épiques de cette dernière soient altérées par Whedon à l'image de la première confrontation avec le pire ennemi que le genre ait produit depuis bien longtemps. De son côté Flash écoule son capital sympathie d'une vitesse aussi flagrante que la faiblesse de sa mise en valeur. Singer en rirait. Si Batman bénéficie d'une certaine attention pas inintéressante et de quelques plans qui en imposent, l'action globalement est d'une très grande pauvreté dans la mise en scène. Les pouvoirs de nos justiciers sont exploités sans idée ni ambition alors que le film avance et multiplie les gênes par son rythme et montage pathétique pour ne pas dire catastrophique. Le film ne prend jamais son temps, les relations sont aussi factices que Cyborg. Les scènes coupées se ressentent cruellement, elles handicapent le récit pourtant déjà si minime. La sève originelle se perd.


Visuellement cette œuvre n'a pas de père, ironie tragique quand la parenté caractérise les deux films précédents et déterminent la majorités des actions qui s'y déroulaient. Cette récupération peut se résumer par la présence de Danny Elfman. Son travail est une insulte, un mépris de Zimmer qui avait saisit l'univers de Snyder et ses dieux. De la nostalgie absurde comme énième rejet en recyclant d'anciennes partitions. L'univers est bafoué artistiquement et plus le film avance plus ça en devient flagrant, à en pleurer personnellement. Les sons et les couleurs donnent au film une dimension bâtarde assez inédite, à peine croyable me concernant. A ce titre JL est un film sans identité, ou qui en aurait trop. La cohérence laisse place à un fanboyisme pitoyablement exploité par la résurrection promise. Expéditive, la séquence est un gâchis qui pour le coup sera la seule chose qualifiable de titanesque. Assez laid jusqu'à démasquer ses propres inepties, le film se contredit avec du rien, l'exploit. Ainsi le Superman de Whedon n'a tout bonnement pas le même costume que celui de Snyder, à ce niveau de bêtise que faut-il encore rajouter ? La moustache d'Henry Cavill mal effacée peut-être ou encore les stickers sur le vaisseau de Batman ? Tout est réduit au strict minimum, nos personnages sans identité mais figuratifs avec une mention spéciale pour Aquaman que seul un plan de Snyder parviendra a rendre intéressant. Il n'y a aucun soin apporté, aucune attention. Des dieux déchus sans personne à protéger et un ennemi pathétique quand Zod et Luthor incarnaient une adversité sensée et menaçante. Le caractère expéditif des dernières minutes donne un début de souffle au film mais il est déjà bien trop tard. Notre Dieu vivant incarné malgré une allure insensée dans les couleurs mêmes impressionne mais c'est si peu.


Justice League est une publicité facile, mais peut-on encore parler d'œuvre si cette dernière ne possède plus d'auteur par ailleurs ? Marvel malgré son conventionnalisme et son impersonnalité parfois rageante n'a jamais sombré dans une telle abjection, respectant globalement ses codes et personnages au sein même de son MCU. Massacré de toute part, parfois nauséeux à regarder, l'ultime scène post générique achèvera définitivement l'héritage de Snyder au détour d'une parodie verbale du personnage concerné. Un produit consensuel paradoxalement éclaté, la Warner enterre son DCEU sans résurrection ni rédemption possible. Le public a parlé, le marketing a frappé, nos héros ne pouvaient s'en relever.

Chaosmos

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