
La situation du DCEU me fait penser à un enfant, harcelé sans raison par ses camarades, qui finit par commettre un acte irréparable. Ce harcèlement a eu lieu à la sortie de Batman v Superman, film qui aurait pu prétendre figurer parmi les meilleurs films de super-héros jamais faits, mais qui à la place a fait l’objet de l’acharnement critique le plus hallucinant (et le plus injustifié) de ces dix dernières années (dans ce style, Mother d’Aronofsky a fait pas mal cette année, mais ça n’est pas le sujet). Batman v Superman était sombre, beau, il abordait (parfois maladroitement) des thématiques fortes et ne sombrait jamais dans la facilité (sauf peut-être une scène que je n’ai même pas besoin de citer). A défaut d’apporter toujours des réponses parfaites, les premiers films du DCEU avaient le mérite de poser des bonnes questions. Face aux critiques et attaques relatives à son identité, le DCEU est rentré dans le rang et s’est intégré petit à petit à la pensée unique représentée par Marvel en matière de film de super-héros. Les harceleurs avaient gagné. Avant que la Warner n’organise le suicide artistique de son univers filmique.
Justice League essaye de faire comme Marvel, dans une logique du « toujours plus ». Le remplacement de Zack Snyder par Joss Whedon en cous de route a acté définitivement la mise à l’écart de la vision du premier pour intégrer les codes sans saveur du second. D’abord, la patte Whedon, ce sont des blagues à n’en plus finir. On reprend la formule Avengers avec des nouveaux personnages dont on ne sait rien, qui enchainent les vannes (mention au Flash qui est d’une lourdeur hallucinante). Dans cet univers-là, voir Batman, qui a perdu ses parents et qui est depuis peu devenu un énorme sociopathe, faire des blagues, c’est dur à avaler. Aquaman et Wonder Woman sont les seuls à s’en sortir dans ce désastre, leurs personnages semblant un peu mieux écrits et un peu plus cohérents que les autres.
Justice League, c’est aussi une histoire écrite en cinq minutes par un enfant de huit ans, d’une affligeante banalité. Un grand méchant venu d’un autre monde veut voler des objets magiques sur Terre pour détruire la planète. Merci bien. On est loin des réflexions sur la place de Dieu parmi les hommes, sur le pouvoir, etc. Et en plus d’être d’une platitude incroyable, le scénario se permet même des grosses incohérences et des raccourcis (faire tenir toute la Justice League en 2h était évidemment une mission impossible…). Les reshoots de Whedon sont sans doute en partie responsable du désastre, notamment quand on sait quel était le traitement réservé à Superman par Zack Snyder.
Déjà, le fait que DC ne tienne pas plus d’une heure pour annuler la mort de Superman, décision la plus audacieuse de Batman v Superman, c’est triste. Superman aurait pu briller et peser par son absence, alors que sa présence ne procure que peu d’émotions. La résurrection du héros kryptonien, censée être l’un des plus grands moments du DCEU, est en fait un non-événement. Expédiée en 2 minutes, sans aucun enjeu. Et à la place du Dark Superman qu’avait prévu Snyder, on se retrouve avec un mec gentil et niais aux antipodes du personnages présenté dans le précédent long métrage.
Souvent, la qualité de ce genre de film se mesure à la qualité du méchant. Ici, Steppenwolf est bien représentatif de Justice League : un truc dégueulasse en CGI avec un doubleur décidé à faire la grève du jeu. Il est moche, a un background expédié en quelques secondes, est invincible pendant 90% mais est finalement dézingué sans trop de problème parce que le générique approche. Absolument oubliable.
Les acteurs semblent s’être mis au niveau du film. Dans Batman v Superman, Ben Affleck était vraiment crédible en Bruce Wayne torturé. Ici, il semble n’en avoir plus rien à foutre et n’exprime aucune émotion. Henri Cavill n’a jamais été un grand acteur mais il faisait le travail. Ici, il semble avoir complètement oublié comment on joue, pas aidé surement par les effets numériques ratés mis au jour par le formidable « moustachegate ». Jesse Eisenberg était bon en Luthor, mais dans Justice League, il a été relégué à la scène post-générique. Gal Gadot reste limitée dans son jeu. Erza Miller est très agaçant. Ray Fisher joue un personnage qui aurait pu être intéressant mais qui est très mal traité. Reste Jason Momoa qui incarne bien Aquaman et donne envie d’en voir plus.
Il reste finalement très peu de points positifs. Le principal est sans doute la place forte réservée à Wonder Woman dans l’équipe. Une vision assez progressiste et intéressante du leadership, d’autant que le personnage est intéressant et que, même si elle reste limitée, Gal Gadot semble vraiment l’incarner avec conviction. Le film est aussi un bon teasing pour le film Aquaman : l’arc narratif concernant ce personnage est le plus intéressant du film. Il faut maintenant espérer que les critiques subies par Justice League montreront à DC qu’il n’est jamais bon d’altérer complètement son identité. Si la Warner décide de revenir sur le chemin initialement emprunté par Man of Steel ou Batman v Superman, on pourra peut-être assister à une résurrection digne de celle du personnage principal de l’univers DC… Gardons espoir.