Il arrive qu’on soit si absorbé par un film qu’on perde toute notion de l’extérieur: on ne vit et on ne respire que pour et par l’écran, ressentant chaque soubresaut de l’intrigue comme si notre siège était lui aussi au diapason du film.
Il se trouve que les films n’ont même plus à se fatiguer puisque maintenant les cinémas nous proposent directement des sièges dynamiques: on nous ôte même notre capacité de mouvement.
Une fois de plus, ma faiblesse s’est manifestée, j’ai cédé aux sirènes du cinéma plus blanc que blanc et à la pointe de la technologie avec de belles images, de la 3D top niveau, du son hyper immersif englobant et - top du top - des écrans latéraux qui s’éclairent aux couleurs des bandes annonces (plus inutile - mais fun tu meurs).
En fait j’ai surtout cédé à mon téléphone, mais même seule j’aurai été assez grande pour opter pour le forfait all inclusive.
Curieusement et malgré toute ma bonne volonté, malgré les bonnes conditions dont j’ai pu profiter, et malgré certains plans iconiques (assez peu) et des décors réussis, j’ai eu l’impression d’avoir loupé un train. A aucun moment je n’ai été capable d’oublier la salle dans laquelle j’étais, de m’extasier sur la bonne qualité sonore ou visuelle.
Dans un premier temps la présentation des différents protagonistes est très scolaire: 5 minutes chacun: exposition de leur petit monde, micro suspens avant de montrer le pouvoir de chacun.
Le genre de présentation qui manque vraiment d’inventivité.
Ce qui marque par contre dès le départ, c’est le soin des décors et le climat dominant sombre et sale comme on les aime chez l’homme chauve-souris. Ce qui est beau aussi, ce sont des drapeaux rappelant la mort de superman, et celui déployé sur Notre Dame, comme pour appuyer un peu plus sur la
Quelques passages sont appréciables, mais dans l’ensemble les dialogues sont mauvais.
Ou alors c’est la vf qui l’est.
Quelques blagues arrivent à faire mouche, mais c’est bien peu par rapport au nombre de répliques pensées comme drôles. Et puis il faut bien avouer que ces piques “à la Marvel” sonnent moins bien dans un univers qui nous avait habitué à plus de sérieux.
Le personnage de flash est l'exception: alors qu’il a le rôle éculé du comic relief et qu’il navigue souvent à la lisière de l’exagération, il arrive à séduire et à faire rire tout en restant éminemment humain.
Son personnage a été pensé comme étant le miroir du spectateur, le gars gaffeur, peureux, blagueur, en admiration devant ses comparses.
Il est le plus accessible et le plus vivant, le seul qu’on peut imaginer croiser dans la rue un jour, le seul qui semble réel. On pourrait y voir un spiderman bis, et il y a un peu de ça, mais avec une dimension supérieure: la peur qu’il manifeste avant d’intervenir est quelque chose de bien amené, de bien réglé, et ça remet d’un coup la question du statut de super héros dans un contexte très DC. Cette scène donne aussi à batman son meilleur moment, celui où il est enfin le meneur, la voix de la raison, celui qui est capable de trouver les mots juste, en laissant le jeunot développer son envie de sauver les hommes.
C’est bien la seule scène durant laquelle Ben Affleck ne m’a pas écœurée, le reste du temps je l’ai trouvé pénible, que ce soit en chauve souris ou en Bruce. Et dire qu’il m’avait presque convaincue dans les autres films.
Là où Batman V Superman s’attardait sur le statut de semi Dieu de superman, ici on a l’inverse: le gars insignifiant qui se retrouve dans la mêlée.
Le film aurait pu creuser de ce côté, et on sent qu’il a tenté, quand au détour d’une conversation batman fait remarquer à wonder woman qu’elle a choisi de rester dans l’ombre au lieu de devenir l'étendard de la justice comme l’a été superman.
On aurait aimé pouvoir s’interroger sur le statut de super héros, mais le film ne nous en laisse pas le temps.
Les autres personnages sont moins bien travaillés, on ne leur laisse pas le loisir d’occuper l’espace.
Du coup chaque moment voulu comme une étape de la formation de l’équipe sonne faux et creux. Parce qu’il réuni des gens dont on connait peu de choses, et que les meilleures répliques étaient déjà dans les bandes annonces, on ne jubile pas devant la réunion des justiciers.
Quelques passages nous laissent penser que le film aurait pu être meilleur, si seulement il avait su prendre son temps, se poser.
Évidemment quand on sait que la gestation du film a été perturbée par un drame familial, que l’échec critique de Batman v superman est passé par là, et que le nouveau réalisateur n’a pas la même fascination que Snyder pour la mythologie, on comprend l'aspect bâtard du film.
Parce qu’au delà des enjeux et des personnages mal développés, on peut aussi reprocher au film une photo pas aussi folichonne qu’on l’aurait voulu: peu de plans devant lesquels s’extasier, et surtout une pauvreté musicale décevante et inhabituelle pour un blockbuster.
Il y a bien quelques moments durant lesquels le film vient nous taper sur l’épaule pour nous rappeler combien on aime ses réunions au sommet.
Malheureusement les moments de grâce ne durent pas, et l’ensemble est pétri de maladresses.
Même les images qui se veulent iconiques finissent par devenir risibles: voir les justicier alignés en rang d’oignon ça n’a pas la classe escomptée: autant en guise de conclusion ça fonctionne, autant pendant le film ça n’est pas naturel.
Il n’est pas non plus naturel de voir germer des supers héros, mais ça on est prêt à l’accepter.