Bon sang de bonsoir, DC, qu’est-ce que vous avez fait tout ce temps ?

Malgré mon enthousiasme au sortir de Wonder Woman, je ne pensais absolument pas qu’il était possible de sauver la franchise « DC Extended Universe ». Entre le parti pris stupéfiant et hasardeux d’introduire la plupart des héros dans des épisodes crossovers avant de leur accorder leur propre film, l’idéologie atypique et dérangeante véhiculée par Snyder dans ses films, et la façon lourdingue dont il martèle ses symboles, anxieux à l’idée que ce crétin de public ne les remarque pas, l’histoire avait si mal commencé qu’on ne pouvait vraiment plus rien en faire.


De fait, la solution a été le retcon. Oubliez, s’il vous plaît, tout ce qui a pu se passer dans Man of Steel et Batman v Superman. Ça n’a jamais existé. Considérez à la place que nous sommes dans la version habituelle de l’histoire de Superman, où il est arrivé sur Terre, s’en est fait aimer, est devenu un symbole d’espoir, un flambeau et une source d’inspiration , puis est mort sous les coups de Doomsday, donnant sa vie pour sauver le monde. Oubliez le Superman au dessus des hommes et des lois qui ne de préoccupait pas des dommages collatéraux qu’il pouvait provoquer en se battant et qui avait besoin qu’on insiste pour se soucier du fait que le public a peur de lui et que faire acte de présence au tribunal n’est pas en option. Oubliez le Superman apathique qui reste les bras ballants au milieu d’une explosion pendant que des innocents qu’il pourrait sauver sont en train de mourir. Et dans la foulée, oubliez aussi le Batman (ou le « Bat ») qui marque ses ennemis au fer rouge, sachant que ça leur vaudra d’être tués en prison. Retenez seulement qu’il a des raisons de se sentir responsable de la mort de Superman. Car mis à part ça, on prend un nouveau départ, avec des héros qui sont vraiment des héros cette fois.


Oui, c’est nous demander beaucoup d’indulgence, d’accepter de jouer le jeu et faire comme si de rien n’était, comme si les deux couacs monumentaux qu’ont été Man of Steel et Batman v Superman n’avaient pas existé ET de faire comme si, à la place, on avait eu les films qu’il aurait fallu – et le nombre de films qu’il aurait fallu. Est-ce que Justice League mérite cet effort ? Pour moi il n’y a aucun doute à avoir, la réponse est oui, et mille fois oui.


Justice League ne se donne pas pour vocation de transmette des messages sur Dieu ou sur quoi que ce soit. C’est vraiment juste une histoire de héros qui dépassent leurs problèmes personnels pour sauver le monde. Ce retour aux bases était nécessaire après la perversion de Snyder qui avait fait de la franchise une propagande ultra naïve en faveur de la soumission à Dieu. Et seul Justice League pouvait faire ce retour aux bases, Wonder Woman se situant bien avant dans la chronologie, et Suicide Squad étant à laisser à part pour tout un tas de raisons que je n’ai pas le temps de développer ici. Et pour réussir ce retour aux bases, DC a trouvé une solution qui tient en deux mots : Joss Whedon. Bon, l’étendue de sa contribution au film est peu claire, et il n’est pas crédité comme réalisateur, mais allez, me dites pas que c’est Snyder qui a écrit ces dialogues dynamiques et pleins de piques humoristiques qui ne lui ressemblent tellement pas, qui ne feront peut-être pas rire tout le monde mais qui rendent crédible le fait qu’une bande de dépressifs acceptent de faire équipe avec des inconnus et de risquer leur vie. Pour sauver les civils. Parce que oui, figurez-vous que maintenant les héros trouvent que sauver les civils, c’est prioritaire par rapport à punir les vilains qui ont le culot de ne pas reconnaître la suprême divinité de Superman. Exactement comme feraient de vrais héros, c’est dingue, non ?


Alors évidemment, il a quand même fallu se démerder avec les postulats de base impossibles à changer, à savoir « les personnages sont introduits à l’occasion de crossovers » et « le Batman de cet univers est vieux et fatigué ». Ce n’était pas gagné, de faire une bonne histoire « La ligue des justiciers » à partir de ça. Mais il y avait tout de même moyen de réussir et ce moyen, le film l’a trouvé en n’essayant de donner que les informations essentielles sur les nouveaux arrivants et en utilisant l’action pour révéler leur personnalité et leurs idiosyncrasies. Ça marche. On en découvre juste assez sur ces personnages pour avoir envie de voir le film qui sera sur eux, et pour apprécier leur présence dans celui-ci. Il n’en faut pas plus parce qu’à partir du moment où les héros sont rassemblés, la dynamique de groupe marche, merci encore aux dialogues (que je persiste à attribuer à Joss Whedon), et le groupe lui-même devient le personnage. Chacun de ses membres est utilisé à bon escient, avec un bon équilibre dans l’importance de chacun par rapport à l’intrigue. Quant au Batman vieillissant, s’il fait pâle figure par rapport à ses compagnons sur le terrain, on prend la peine de montrer qu’il sait toujours quoi dire, quand, comment et à qui pour le pousser à agir de la bonne façon. C’est sûr, on aurait tous préféré que Bruce Wayne soit Batman au lieu du professeur Xavier, mais honnêtement je crois que c’était la meilleure façon de s’en sortir.


Sans les ralentis pompeux et les symboles martelé ad nauseam, et avec des couleurs rehaussées sans pour autant être rendue criardes, l’esthétique est plaisante, peut-être même unique. Le fait que le rythme du film, soutenu par la dynamique du groupe que j’évoquais tout à l’heure, soit juste parfait, ça ne gâte rien non plus.


J’ai vu passer sur twitter qu’on se plaignait du méchant, pas intéressant. Mais qu’est-ce qu’on ficherait avec un méchant intéressant dans cette histoire là ? On a déjà des héros intéressants à montrer, et ce n’est pas une mince affaire de les montrer tous, autant qu'il faut et autant les uns que les autres ! Le méchant, dans ce film, il FAUT qu'il soit plat. En fait, il faut que ce ne soit pas un personnage, plus une fatalité contre laquelle les héros se rassemblent, et qui va les mettre à l'épreuve. A la rigueur, on aurait même pu s'en passer du méchant, et faire jouer son rôle par une horde de paradémons tous muets, mais je suppose que, pour le fanservice, il fallait quand même faire venir un authentique serviteur de Darkseid.


Bon sang de bonsoir, DC, qu’est-ce que vous avez fait tout ce temps ? C’est comme ça que vos films auraient dû être dès le départ, avec des méchants réellement méchants, des gentils réellement gentils, de grands sentiments et une histoire qui fonctionne. Vous auriez vraiment dû faire davantage confiance au potentiel de votre univers, et ne pas avoir peur de le reraconter, tout simplement, une nouvelle fois. C'est un bon univers. Ce sont des bons héros. Il aurait suffi de ne laisser personne les gâcher.


Je ne comprends pas la note que reçoit ce film sur sens critique (5,4 à ce jour). Il fait son boulot et il le fait bien. Après deux films qui ont tout mis en œuvre pour empêcher que ce soit possible, c'est en soi un exploit. Sincèrement, si vous n'êtes pas satisfaits de ça, vous ne serez jamais satisfaits. En ce qui me concerne, je le suis.

tchoucky
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le 17 nov. 2017

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