Bon, on ne vous fera pas l'affront de revenir sur l'intégralité du DCU et de son évolution plus que chaotique jusqu'ici, tout a été à peu près dit et répété bien trop de fois.
On relèvera juste qu'avec "Justice League", le concurrent de Marvel est à un tournant de son existence : confirmer le nouvel élan donné par le succès de "Wonder Woman", justifier cette drôle de stratégie de sortir un film de groupe si tôt alors que la plupart des membres de la Ligue n'ont pas eu de films solos et marquer suffisamment les esprits en franchissant un nouveau palier qualitatif pour créer une réelle attente en vue des nombreux projets futurs déjà sur les rails.
Bon, ce n'est pas gagné d'avance : la promesse d'un film bien plus fun en abandonnant le côté sombre pour aller concurrencer Marvel sur son terrain a de quoi faire peur (d'autant plus que le public n'est pas forcément contre des films sombres de super-héros, il veut seulement qu'ils soient de qualité et, ça, personne n'a l'air de l'avoir compris chez Warner/DC), un tournage mouvementé marqué par le départ du réalisateur fondateur du DCU, Zack Snyder, à cause de circonstances tragiques et ensuite remplacé par Joss Whedon pour de multiples reshoots (au final, "Justice League" est tout de même un film à 80% de Snyder), et, enfin, des bandes-annonces qui n'ont guère enthousiasmer de monde sinon les convaincus de la première heure.


La version longue de "Batman vs Superman" nous l'avait montré rapidement, Lex Luthor n'avait pas seulement fait des choses bizarres avec un cadavre kryptonien ou kidnappé des mamans, il était aussi entré en contact avec Steppenwolf, grand minion du super-vilain Darkseid. Et, comme Batman l'avait vu dans une vision du futur apocalyptique, ça n'annonçait pas de très bonnes choses pour nous autres, Terriens. Après la mort de Superman qui l'a conduit à retrouver sa foi en l'humanité, Bruce Wayne se décide donc à recruter une équipe de méta-humains pour tenter de contrecarrer cette menace imminente. Aidé évidemment de l'Amazone la plus cool de l'univers, Wonder Woman, il est rejoint par Aquaman, Flash et Cyborg pour former la fameuse Ligue des Justiciers...


On ne va pas se mentir, "Justice League" est un immense bordel.
Certains diront que ce n'est pas pire que certains Marvel, ils n'auront pas totalement tort mais le fait est qu'on aura rarement vu un film avec une structure narrative aussi chaotique. L'exposition du film en est le pire exemple. La faute en revient bien évidemment à l'absence de longs-métrages solos en amont pour certains super-héros dont on nous présente l'univers en une poignée de minutes mais pas seulement.
Le premier tiers du film regroupant la phase recrutement et la révélation de la menace est une espèce de cas d'école de tout ce qui ne faut pas faire en matière de montage. Alors qu'il devrait y avoir justement un minimum de cohérence autour de la présentation d'un univers à un autre pour appuyer sur le futur esprit d'équipe qui va animer le film, on passe du coq à l'âne avec le sentiment que Steppenwolf abat invariablement son immense hache sur la pellicule à chaque fin de séquence.
Et puis, il y a le contenu aussi. La menace du grand cornu et de son armée de mites démoniaques venus récupérer trois boîtes sur Terre en est réduite à ses objectifs les plus basiques (détruire et refaire un monde affreux, pourquoi diable les méchants veulent toujours habiter dans des trucs invivables plein de lave ?) et n'est surtout là que pour justifier l'alliance de ces super-héros issus de peuplades différentes.


D'ailleurs, parlons-en de ces différents univers et des petits nouveaux ainsi présentés. Bon, il y a les prémisses d'un Gotham séduisant avec un Batfleck tout de même prometteur (s'il reste bien entendu) et l'île des Fonds Verts des copines Amazones d'une Wonder Woman qui s'est donné pour but de voler constamment la vedette à tout le monde (elle y parvient sans mal) mais en ce qui concerne ceux que l'on découvre, c'est la catastrophe : Atlantis est affreux (trois bouts de pierre au fond de l'océan, on souhaite bien du courage à James Wan pour "Aquaman") et Jason Momoa fait quelques bons mots en faisant la torpille sous-marine floutée, le personnage de Flash n'est défini que par sa relation avec son père ou comme ressort comique (ça marche... une fois sur trois) et ses éclairs affreux au ralenti réussissent l'exploit de rendre les effets visuels de la série TV de son homonyme bien plus attrayants. Et puis, il y a Cyborg. Voilà. Il n'y a rien à en dire sinon que ses capacités analytiques ne servent qu'à faire avancer la maigre intrigue et qu'on a beaucoup de mal à imager un film solo sur cette boîte de conserve en plastique numérique.


On aimerait dire que ça arrange une fois l'équipe formée, c'est un peu le cas mais hélas si peu.
Par la suite, on a vraiment l'impression d'être devant une espèce de très mauvais épisode en live du dessin animé de "La Ligue des Justiciers" que l'on regardait, petit, un dimanche matin en pyjama : il y a certes une indéniable jubilation à voir toutes ces figures emblématiques enfin réunies sur grand écran mais ce qui peut passer dans le rythme d'un dessin animé de vingt minutes à travers un regard d'enfant ne peut absolument pas marcher dans un film de deux heures qui ne cesse de s'éparpiller dans tous les sens croyant en avoir trop à raconter alors que son contenu frôle l'indigence. La bonne nouvelle c'est que tout va vite, très vite, pas le temps de s'étendre sur les états d'âmes des personnages si ce n'est une grosse baisse de régime à mi-parcours après le retour de (*à partir de ce moment, ne lisez plus si vous voulez gardez la surprise qui n'en est plus une depuis longtemps *) Superman. La résurrection du Kryptonien s'avérera être une des rares qualités de "Justice League". Les débats autour de son retour (le joli dialogue entre Wayne et Alfred à ce sujet), les retrouvailles avec ses proches et la densité qu'il donnera aux combats apporteront un vrai vent de fraîcheur à cette Ligue qui semble si faiblarde sans lui (dans tous les sens du terme).
Hélas, alors que l'on commence quelque peu à croire à une bataille finale épique, pas de bol, celle-ci sera si visuellement immonde qu'on en viendra à se demander si le Zack Snyder qu'on adorait tant n'était pas démissionnaire depuis le début du tournage. Le dernier acte est tout simplement une bouillie à peine regardable, bâclée de bout en bout et à peine sauvée par quelques traits d'humour ici et là...


Raté, "Justice League" ne sera donc pas le trampoline qui relancera le DCU, il s'en avère même être le film le plus faible après "Suicide Squad", c'est dire... En se loupant sur cet objectif et celui de teaser sur l'avenir de la franchise (franchement à part un autre "Woman Woman" ou un "Batman", qui veut revoir les autres ? Et donnez-nous un "Man of Steel 2", punaise !), le film est un indéniable échec. La faute en revient bien sûr à Zack Snyder dont on ne reconnaît jamais la patte ou même en partie à Joss Whedon (on ne voit pas trop ce qu'il a pu sauver de cette galère) mais surtout à tous ces producteurs qui n'ont créé un DCU que pour concurrencer dans la précipitation la plus totale les studios Marvel. Si quelques films ont réussi à faire illusion, le brouillon de film qu'est "Justice League" a levé le voile : le DCU n'a toujours pas de réelle existence.

RedArrow
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le 15 nov. 2017

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RedArrow

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