Le bateau prend l'eau : on se jette à la mer ou on colmate les fuites ?

Cela va peut-être vous sembler surprenant, mais il y a des gens qui ont beaucoup aimé ce que Snyder a entrepris, en réalisant Man of Steel et Batman v Superman. Bien entendu, si je vous dis ça, c’est que j’en fais partit. Ces deux films, auxquels s’ajoute le Wonder Woman de Patty Jenkins, forment entre eux une sublime fresque de puissance rendant particulièrement bien hommage au genre super-héroïque, avec une complexité narrative bien supérieur à ce que Marvel fait de l’autre côté du spectre cinématographique moderne. C’est tout du moins mon humble avis, moi qui ai jusque à présent réussis l’immersion dans les tourbillons du DC Universe (si on excepte l’infâme et innommable torchon dont je ne prononcerais pas le nom).


Aujourd’hui, Snyder rempile pour la troisième fois après nous avoir laissé avec une fin monstrueuse, lors de Batman v Superman. Le protecteur de la Terre est mort, et la planète s’en trouve laissée à l’abandon, livrée à elle-même face aux menaces venues de tout l’univers. Le contexte au second plan, incarné par une humanité déchirée et qui pleure la mort de leur héro déchu, forme une plus-value qui aura achevé de me faire réellement apprécier le dernier film. Maintenant, tout repose sur les épaules de Bruce Wayne, milliardaire que l’on ne présente plus : bâtir une équipe afin de protéger le monde, puisque Superman n’est plus là pour remplir cette mission. Et la vulnérabilité de la planète ne tardera pas à se faire sentir…


Justice League commence de la même manière que ses deux prédécesseurs : fort. Plus immédiatement encore que ses ainés, plus directement… Presque trop. Là où les deux derniers Snyder prenaient leur temps, tout en oubliant pas de s’encombrer d’actions monumentales, celui-là va à l’essentiel, et perd donc obligatoirement une part de sa beauté. Et surtout ne venez pas me dire que le résumé de la mort des époux Wayne au ralentit sur du Hans Zimmer, ce n’était pas une introduction en acier !


Bref autant foncer à l’essentiel, sans s’encombrer des détails : ce film est décevant. Il n’est pas mauvais, mais il n’est pas bon pour autant. Tout dans ce film aurait pu être meilleur, tout aurait pu être travaillé différemment, afin de proposer une expérience plus plaisante. On est tout de même très loin de l’étron sortit l’année dernière, là où tout était bon à jeter pour tout recommencer. Non cette fois, nous sommes face à une œuvre qui peut se garder en l’état, mais qui aurait mille fois profité d’une petite heure supplémentaire pour tisser tout un tas d’intrigues secondaires supplémentaires, comme le faisait si bien Batman v Superman…


Justice League est un film de super-héros lambda, loin d’être mauvais, mais trop simple et cliché pour apporter un vent de fraicheur à ce genre qui prend la poussière… Tout est stéréotypé : le groupe héroïque, ses membres sérieux face aux déconneurs, l’ennemi surpuissant que l’on ne peut battre qu’à la toute fin mais surtout pas dans l’affrontement du milieu, ce même antagoniste qui ne pense qu’à la destruction sans volonté aucune exprimée clairement, mais également beaucoup d’actions et de destruction, des civiles innocents en détresses qui font changer le plan des héros, ainsi que de l’humour, assez bien dosé au demeurant, il faut au moins reconnaitre ça au film…


Ce film est d’autant plus dommage que j’aime bien Snyder en tant que réalisateur, et que j’adore vraiment les trois derniers films de ce jeune univers héroïque naissant, qui risque bien de mourir dans sa petite enfance, si les films de cet acabit s’enchainent trop souvent. J’avais donc une certaine expectative un espoir fou de voir une digne suite à cet énorme bloc scénaristique qu’était Batman v Superman. Sauf qu’ici, on retire tout le superflu, ne laissant aucune scène et aucune importance aux personnages secondaires (James Gordon et Martha Kent ne servent à rien, heureusement que Lois Lane est utile à un unique moment du film). Tout est lisse et propre, ne s’encombrant d’aucun détail. J’espère encore qu’une version longue sortira plus tard, comme ce fût le cas du précédent film, afin d’apporter plus de profondeur à l’ensemble, et peut-être de revoir mon jugement. Mais pour l’instant, il n’est pas glorieux.


Prix indépendamment, certains éléments sont bons, d’autres moyens, et d’autres mauvais. Étonnement, je place le doublage français dans les bons points du film : les mêmes doubleurs que pour le/les précédents opus rempilent, et de nouveaux font leur apparition, avec en tête d’affiche l’immense Féodor Atkine, qui parvient avec son énorme voix posée à rendre plus charismatique encore un antagoniste qui ne manque pourtant pas de classe. Le casting justement, est loin d’être mauvais, et les deux têtes d’affiches que sont Ben Affleck et Gal Gadot s’en sortent toujours aussi bien. Heureusement qu’ils sont là, car ils sauvent une bonne partie des meubles, même si Affleck fait toujours un meilleur Bruce Wayne qu’un réel Batman. Derrière eux, Jason Momoa et Ezra Miller offrent un spectacle vraiment intéressent et sympathique, que l’on retrouvera surement avec hâte dans les prochains opus (si tant est qu’ils aient lieu…). Jeremy Irons est relégué plus encore au second plan qu’il l’était dans le film d’avant, ce qui ne l’empêche pas d’être foutrement classe !


La réalisation est bien, comme du Snyder, mais tout de même bien moins sophistiqué que précédemment… Exit une certaine forme de grandiloquence bienvenue, qui donnait un cachet à l’ensemble. Ici, encore une fois, tout est trop lisse pour s’encombrer d’une mise en scène trop complexe, même si Snyder a déjà été capable de nous montrer son véritable potentiel


Enfin, puisque j’ai déjà dit trop de chose sur ce film, je terminerais par parler de ma plus grande déception : la partition de Danny Elfman. Là encore, on est face à quelque chose de trop lisse, de trop oubliable, sans thème fort. Zimmer était décrié (parfois à raison) pour la puissance monumentale qu’il insuffle dans tout ce qu’il touche. Et justement, dans le domaine héroïque, c’était loin d’être un défaut ! Le léger thème qu’il avait composé pour le Batman est tout simplement absent ici, remplacé par un ancien leitmotiv sortit des tréfonds du cinéma. Car c’est vrai après tout, pourquoi s’encombrer des thèmes inhérents à l’univers actuellement créé, et ne pas reprendre les anciens datant d’il y a plus de vingt ans ! Je ne compte même pas les fois où le thème de Wonder Woman est apparu : bien que composé par Junkie XL et non plus Zimmer, il n’en est pas moins presque totalement oublié, lui aussi. En résulte une composition aussi lisse et fade que le reste de l’œuvre là où la musique aurait pu être un argument incitant à accorder le doute à un film trop plat… Le choix d’Elfman pour une œuvre d’une telle puissance était déjà douteuse, voir le résultat me conforte dans l’idée que l’homme n’est pas fait pour ce genre de production. Ou pas avec ce genre de réalisateur, dans ce cas…


En bref, et comme le disais un jour Gary Oldman, je suis très désappointé. Ce troisième opus, qui avait toutes les capacités de surpasser ses prédécesseurs pourtant déjà peu aimé par les critiques, trouve le moyen de faire pire, et de s’enfoncer dans la complaisance et la simplicité, afin de proposer un divertissement simple et sans fioritures. Une belle petite arnaque.

Créée

le 17 nov. 2017

Critique lue 284 fois

3 j'aime

Sherns Valade

Écrit par

Critique lue 284 fois

3

D'autres avis sur Justice League

Justice League
CrèmeFuckingBrûlée
4

Journal intime de Batman : entrée n°1

Mercredi 15 novembre 2017 Oh là. Qu’est-ce qu’il s’est passé hier soir ? J’ai l’impression que Superman tient mon crâne entre ses mains tandis que Wonder Woman me donne des coups de pieds dans...

le 19 nov. 2017

121 j'aime

22

Justice League
Behind_the_Mask
7

Le DCmonde a-t-il besoin de Zack Snyder ?

Cher Zack, Accepte tout d'abord que je te présente mes condoléances. Perdre un enfant doit être une douleur au delà de l'imaginable. Car ce n'est pas dans l'ordre des choses, à l'évidence. Et alors...

le 15 nov. 2017

112 j'aime

25

Justice League
Sergent_Pepper
2

Les arcanes du blockbuster, chapitre 29

Sur la table en acajou, une corbeille en faïence blanche. Un rouleau de papier hygiénique, du désodorisant d’intérieur et quelques magazines people. -Je crois qu’il faudrait plus de vaisseaux...

le 23 févr. 2018

106 j'aime

14

Du même critique

Blade Runner 2049
Sherns_Valade
9

The melancholy of an electric sheep

La nature de ma relation avec l’œuvre originale de Ridley Scott m’aura poussé à voir ce Blade Runner 2049 avec un œil avide de poésie et de beauté, chose que je n’approuve pas toujours pour la simple...

le 4 oct. 2017

9 j'aime

Live by Night
Sherns_Valade
7

Acteur de jour ; réal' de nuit

De Ben Affleck le réalisateur, je n'aurais vu que "Argo", avant ce film. Un film que j'avais beaucoup aimé, mais que je n'ai pourtant vu qu'une seule fois... Il faudrait peut-être que je le revois,...

le 18 janv. 2017

8 j'aime

3