Avant de devenir le Joker, Arthur Fleck est un bon petit gars, c'est un être dont les pensées sont certes noires, mais il n'a rien de méchant. Il est serviable, et tente de résoudre ce qui le ronge intérieurement. La violence des autres et du monde dans lequel il vit va réveiller sa propre violence. Tous les jours il est confronté au rabaissement des autres, dans son travail, dans la rue, dans le milieu dans lequel il vit. Qu'une seule est unique facette de la vie se présente à lui, c'est la laideur dont est capable l'homme. Un monde fou, crée des gens fous. On ne parle pas encore de Batman, pourtant une ligne extrêmement fine le sépare de son ennemi, car finalement les deux personnages sont victimes de traumas d'enfances qu'ils n'ont pas réussi à surmonter. Les deux hommes ont tous deux soif de justice, sauf qu'ils n'empruntent pas le même chemin pour la rendre. Le basculement dans le côté sombre du Joker est dû à ce quotidien difficile qu'il doit affronter depuis toujours. Rien ne lui a été épargné depuis sa mise au monde. Il a tout laissé passer jusqu'à maintenant, il a subi toute cette adversité sans rien dire, et c'est bien cette accumulation de laideur journalière qui a affecté un peu plus chaque jour son cerveau. Son action est celle de quelqu'un qui ne veut qu'une chose, la justice. Devant un monde qui se comporte comme un être in civilisé, Arthur Fleck résout les problèmes qu'il subit avec une extrême violence. Jusque-là il avait intériorisé en essayant de faire comme si tout cela n'était pas si grave. Mais le trop plein a fini par l'emporter. Le Joker naît des graines semées par l'homme, il est l'effroyable reflet de l’infâme machine. Si son comportement est dans la démesure, il n'agit pas comme ces gens de pouvoirs qui sont capables d'une grande et sournoise violence envers ceux qu'ils dirigent. Joker ne cache pas sa violence derrière des lois absurdes et injustes, il fait éclater sa furie au grand jour. Il devient donc acteur d'une autre laideur en combattant par les armes ce qui le dérange au plus profond de lui.


Todd Phillips aborde par le biais de son Joker le mal qui ronge la société actuelle. Un monde qui laisse les mains libres à ceux qui sont au sommet de la pyramide, et qui sont les pourvoyeurs de violences. Ces gens agissent quotidiennement de façons féroces, mais s'étonnent de voir s’éveiller des actes violents de la part de ceux qu'ils écrasent. Le discours sur la sauvagerie de l'univers capitaliste et le modèle qu'impose au monde l'Amérique sont clairs. Niveau violence Phillips n'y va pas avec le dos de la cuillère, il est même surprenant de voir autant de violence dans un tel film. Des films qui habituellement ne cherchent qu'à être du pur divertissement vide de toute idée. On est habitué à voir du gore et de la violence au cinéma, mais les scènes de ce Joker ont de l'impact, elles sont loin de présenter ces actes comme quelque chose de fun. Joaquin Phoenix donne une prestation remarquable, son rire de fou est terrifiant. Pour trouver ce rire l'acteur dit avoir regardé des vidéos d'un jeune homme atteint de troubles mentaux qui riait comme il le fait dans le film, ce jeune riait à des choses très sérieuses et s’arrêtait net. L'un des bémols du Joker est sa mise en images, trop formatée film de superhéros et c'est bien l'un des seuls gros défauts de ce film. On retrouve aussi certaines choses inhérentes au genre, les traumas enfantins, un amour contrarié. Phillips se permet aussi de lier le Joker et Batman, l'idée n'est pas mauvaise et la liberté prise avec les personnages passe bien. Si De Niro incarne ce comique de télé ce n'est pas un hasard, c'est un joli clin d’œil au film de Scorsese, puisqu'il prend la place que tenait Jerry Lewis dans The King of Comedy. De Niro était alors le jeune comique qui essayait par tous les moyens de percer. Décidément les gens qui ont bossé sur les Very bad trip se révèlent en cette année 2019, car après Craig Mazin et son excellente série Chernobyl c'est au tour de Phillips de montrer ce qu'il est capable de faire. Le sérieux va bien mieux à ces deux gars que l'humour gras de bas étages. Les écuries Marvel et DC jouent habituellement dans la catégorie du film pour ados, quand ce n'est pas préados. Joker n'est pas aussi puéril que le sont les habituelles productions des deux studios. On arrive presque à en oublier que le monde présenté est celui d'un comics, tant il présente un autre visage de cet univers. Ce film propose enfin quelque chose, il était temps qu'Hollywood se réveille.


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le 10 oct. 2019

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