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Le Joker est apparu -tout simplement- dans Batman #1 en 1940 grâce à Jerry Robinson, Bill Finger et Bob Kane. Ennemi juré du Chevalier Noir, il a été incarné sur grand écran par Cesar Romero, Jack Nicholson, Heath Ledger, Jared Leto, Zach Galifianakis (dans Lego Batman) et Mark Hamill. Et désormais par Joaquin Phoenix dans une prestation aussi impériale que troublante.


Après la version du regretté Heath Ledger, Warner Bros s’est tourné vers une tentative d’univers partagé et a confié le rôle à Jared Leto pour ce qui restera surement dans les mémoires comme la pire interprétation live d’un personnage mal écrit. Plutôt que d’insister, WB et DC Comics ont ensuite préféré se tourner vers une version alternative qui, sur le papier, n’avait rien de vraiment encourageant : une origin story, sans Batman, par le réalisateur des Very Bad Trip et très influencée par Martin Scorsese.


Mea culpa. On ne croyait pas Todd Philips capable d’une telle bombe.


Le Joker s’appelle Arthur Fleck. Il vit avec sa mère et fait le clown de rue le jour, tentant sa chance en faisant du stand up la nuit. Arthur est fou. Fou et rejeté par une société qui va se moquer de lui. Plusieurs incident vont l’inciter à basculer dans la violence pour mieux devenir le méchant culte que l’on connait.


Se déroulant dans les années 80 dans un Gotham crasseux rappelant New York à la même époque, Joker est d’abord et avant tout un film porté par son comédien principal. On peut reconnaitre les qualités de metteur en scène de Todd Philips à travers des scènes marquantes (le métro, le final ou même l’émission de télévision). On peut louer l’ambiance musicale de Hildur Guðnadóttir ou l’incroyable photo de Lawrence Sher et reconnaitre que rien ne vaudra jamais un bon vieux décor réel face à un fond vert (hein Kevin Feige !?). Toutes ces qualités plastiques, on les admet sans problème.
Mais le film ne serait pas ce qu’il est sans l’incroyable performance de Joaquin Phoenix, tout simplement l’une des meilleures de sa carrière et pour laquelle l’Oscar se profile à l’horizon. Le comédien est mémorable. Amusant, cynique, effrayant, cruel, méchant. Parfois en une seule et même scène. Parfois en un seul plan. De son rire à ses scènes de danse (quelle idée merveilleuse) tout nous fait comprendre que nous sommes face à une version ultime du Joker.


Le comédien parvient même à nous faire oublier les errances du scénario. Le Joker version Todd Philips est bien inspiré par Martin Scorsese, citant ouvertement La Valse des Pantins, Taxi Driver ou même A Tombeau Ouvert (même dans l’ambiance visuelle d’ailleurs). Si l’histoire et la progression du personnage sont solides, le film se perd par moments, notamment à travers une sous-intrigue impliquant Thomas Wayne. Même si ce Joker s’éloigne autant que possible de l’univers du Chevalier Noir, c’est quand il cherche à le retrouver que le film ne va plus. On sait que le “bad guy” se définit à travers son opposition au héros de Gotham et des décennies de publications l’ont montré. Le film parvient à s’en détacher, et mais certains arcs narratifs ne font que forcer des connexions qui n’ont pas de raison d’être.


Ce qu’on pouvait craindre, c’était une forme d’empathie vis à vis du personnage, ce qui est d’ailleurs à l’origine de polémiques. Eprouve-t-on quoi que ce soit de positif pour Arthur et faut-il s’en inquiéter ? Pas le moins du monde. Même s’il vit une descente aux enfers, même s’il est rejeté par la société, Arthur Fleck est un cinglé doublé d’une ordure et le film ne laisse aucune ambiguïté à ce sujet. Une scène dès le début du long métrage justifiant son rire le précise bien. Joker n’est pas non plus un film d'”incels” puisque le personnage principal n’est pas célibataire. Il est, par contre, un film politique montrant une société sur le déclin, où la population se révolte contre un système qui ne fait rien pour elle (et dont Fleck est une victime) à travers des manifestations qui ne sont pas sans rappeler les Gilets Jaunes, si ce n’est que l’accoutrement a été remplacé par des masques… de clowns.


Joker est un film qui fera date. Antithèse complète des histoires de super héros actuelles, le long métrage de Todd Philips montre qu’on peut faire quelque chose d’incroyable avec un tout petit budget (55 millions), des décors réels et un acteur totalement dévoué au rôle. Après des années d’errance, Warner Bros aurait tout intérêt à s’engouffrer dans cette nouvelle brèche pour la suite : des films plus modestes, non connectés, mais bien plus réussis. On espère aussi que le résultat marquera la concurrence. Ce qui est sûr, c’est que Joker marquera le spectateur.

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le 30 sept. 2019

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