Malaise à tous les niveaux du cerveau

Joker est clairement un film passionnant, qui fait débat et qui divise. D'une part c'est une réussite cinématographique, avec une bande-son et une photographie incroyable et d'excellents acteurs. D'autre part la film s'accroche avec des films bien trop grossiers à l'univers de Batman, qui devient pur argument marketing et n'apporte rien à l'intrigue du film.


Certes cela lui permet de gagner les moyens, l'attention et l'aura d'un film de super-héros sans pour autant en être un. Car le film de Todd Phillips est avant tout un film psychologique et intime, qui suit la lente déchéance d'un homme dans la folie, abandonné par un système défaillant, rejeté et marginalisé par une société capitaliste agressive. Joaquin Phoenix provoque le malaise dans la salle comme dans le film. Il devient aussi douloureux pour nous de le regarder se faire humilier que pour lui de rire. Le film prend son temps pour dépeindre sa perte de repères graduelle (manque de traitement médicaux, hallucinations, mensonges questionnant jusqu'à son existence), qui semble mener inexorablement à la rétribution violente.


Et c'est là que le film m'échappe. La justification de son basculement dans la violence (car non, avoir des problèmes mentaux ne veut pas obligatoirement dire être violent) tient uniquement au fait que ce personnage devient le Joker, agent du chaos. Au bout d'1h30, le film nous rappelle que nous sommes relié à Batman, et il le fait avec de gros sabots et un fan-service bien lourd. Todd Phillips cite à tout bout de champ Wayne, Arkham, Bruce décidément bien jeune par rapport au Joker. Ce qui lie Fleck aux Waynes sont les scènes les moins intéressantes du film.


Quant à Gotham, son écrin permet au réalisateur de plaquer un fond politique au film : baisse des services publics, grèves, écart de richesses croissants, naissance de mouvement de contestation embrassant des symboles... Mais Joker utilise ce fond comme des accélérateurs d'intrigues ou des Deus Ex Machina, une manière facile de faire tenir l'intrigue sans vraiment créer de synergie. La mort du couple Wayne et son traditionnel arrachage de perles au ralenti c'est la citation de trop.


En conclusion, Joker est à voir pour la juste dépiction de la folie et la déchéance de l'esprit, et pour la prestation de Joaquin Phoenix. Mas son rattachement à Batman gâche un peu le propos.

AlicePerron1
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le 27 oct. 2019

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Alice Perron

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