Oubliez tout ce que vous attendez et tout ce que vous avez lu concernant Jojo Rabbit.


Oubliez aussi sa bande annonce misant sur l'humour et le côté iconoclaste de l'entreprise.


Même si oui, vous allez sourire et rire de bon coeur devant Jojo Rabbit. Devant ce premier quart d'heure revêtant les allures non-sensiques et hautes en couleurs d'un film de Wes Anderson. Le décalage entre l'humour et la gravité du contexte est constant, tandis que Sam Rockwell et Rebel Wilson s'en donnent à coeur joie dans leur rôle improbable.


Même si oui, vous allez rire devant les facéties de Taika Waititi, faisant vivre ce demi-pitch dingue d'un Adolf érigé en tant qu'ami pseudo imaginaire du petit héros. Un gars que l'on aurait eu du mal, a priori, à sentir proche d'une telle thématique. Sauf que farfelu comme pas permis, comme dans Thor : Ragnarok qui l'avait révélé au grand public, le réalisateur s'autorise à glisser cet ovni entre deux projets maousses, entrant en résonance avec ses origines mêlées juives et maories. Pour le meilleur. Dans un rôle déjanté rappelant le défi que Charlie Chaplin avait accompli. Chacune de ses apparitions enchante, en gonflant une bulle enchantée d'une absurdité et d'une drôlerie fort contagieuse.


Mais cet aspect du film ne tiendrait pas à lui seul la route, surtout sur une heure cinquante de projection.


Donc, Jojo Rabbit ne sera pas que son résumé orienté et lunaire que l'on vous met en avant.


Car c'est avant tout la peinture d'un monde tourmenté à hauteur d'un enfant de dix ans, fanatisé, qui ne comprend pas encore les rouages du piège de la propagande et de la haine instrumentalisée dans lequel il est tombé. Ainsi, le prisme de l'humour choisi prend tout son sens considérant l'âge du personnage, tandis que son ami imaginaire est avant tout l'expression d'un jeune esprit malléable et contaminé par l'attraction de la peste brune.


Jojo Rabbit observe aussi son petit héros en train de grandir, et d'assimiler peu à peu, de manière détournée, avec l'intelligence du coeur, l'absurdité de son environnement, sa pluralité et sa bêtise. Les relations avec sa mère, ou encore avec un personnage qui n'est sans rappeler celui d'Anne Frank, illustrent sa sensibilité naissante. Jojo Rabbit sera donc un film émouvant, et sensible comme un premier amour.


Jusqu'à ce que la Gestapo et la tragédie prennent le spectateur par surprise, touchant au coeur et arrachant une petite larme au passage, Waititi réalisateur s'y prenant avec une pudeur désarmante pour illustrer la soudaineté de la perte et du drame qui s'abattent.


Vous ne ferez donc pas que rire devant Jojo Rabbit.


Les coeurs de pierre considèreront sans doute de tels procédés comme hypocrites, malsains ou trop forcés, comme d'habitude, en vous disant que Jojo Rabbit est lourd, consensuel, gnangnan et attendu. Sauf que la solide démonstration par l'absurde et le délicieux parti d'en rire ont, depuis longtemps, convaincu le spectateur, tombé sous le charme d'une oeuvre peu commune, pas si osée qu'on a pu vous la décrire mais doucement décalée et, surtout, attachante, touchante et sincère.


Behind_the_Mask, qui aime bien qu'on lui fasse le coup du lapin...

Behind_the_Mask
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le 11 nov. 2019

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