Charnel

Je suis tombée sur ce film par hasard, la première fois. J'ai préféré le reléguer au fond de ma mémoire pendant des années. J'ai mis plus de trois semaines avant de m'y (re)mettre, quand il a fallu le faire. "Johnny got his gun" est un plaidoyer contre l'abjection et l'absurdité de la guerre, c'est certain. Johnny, vaillant petit soldat, en réchappe et, à son retour, il ne lui reste que son cerveau...et son sexe. Pourtant, le mot "charnel" m'est venu à l'esprit la seconde fois. Comment impliquer un spectateur, qui ne veut pas voir ? Comment montrer ce qui n'est plus, sans tomber dans le voyeurisme et la vulgarité ? Par des procédés cinématographiques éculés : la voix "off" et l'alternance de scènes au présent et oniriques, c'est tout. Et c'est justement ce savant dosage de simplicité qui bouleverse. Il est fort le Dalton. Mettez en parallèle cette pudique scène d'amour de deux personnes qui ne demandent qu'à se foutre à poil pour mieux s'envoyer en l'air et celle, de masturbation, où l'on ne voit rien, et pourtant tellement douloureuse. La première est en couleurs, la seconde en noir et blanc, ça change tout. Vous ne verrez que cela durant tout le film : le bonheur, enfin, la réminiscence de ce bonheur, puis, la réalité, mais comme un bon pain dans la gueule. Je vous préviens, le film se termine mal : Johnny, érigé au rang de martyr par tous les "corps" de la société, sera condamné à vivre. J'ai dit "seconde" au début, parce que je n'ai pas l'intention de voir ce film une troisième fois.