En réduisant son canevas au strict minimum, en délaissant tout propos politique, John Wick s’offre au spectateur comme l’incarnation bête et méchante de la vengeance. Nous comprenons en filigrane que la mort du chien équivaut à celle de l’épouse chérie, et que l’accumulation de cadavres aux cervelles explosées traduit la violence l’âpreté d’un deuil. Le souci, c’est qu’une telle épure dramatique met sur le devant de la scène une esthétisation des sévices endurés et rendus qui se veut néanmoins fun : des filtres de couleurs dans une boîte de nuit dynamisent les coups et les gueules cassées, une musique électronique accompagne la condamnation du méchant Russe stéréotypé par l’Américain lourdement armé. Le film s’amuse avec les conventions du genre, d’accord. Mais à rendre la violence aussi ludique, à changer les sous-sols en niveaux d’un jeu vidéo où le héros – c’est-à-dire le spectateur – doit tuer pour survivre, il entretient la fascination actuelle pour l’auto-justice qui n’est pas neuve dans le cinéma mais qui, ainsi dépouillée, devient une fin en soi, un appel à entrer dans la danse, à prendre les armes. Loin d’être cathartique, John Wick chante l’individualisme triomphant dans une société où les hommes se tirent dans le dos, où l’architecture des bâtiments déshumanise les êtres qui les occupent au point d’en faire des robots-tueurs. Surtout, il pense la violence comme pur divertissement. Nous sommes loin des œuvres d’un Nicolas Winding Refn pour qui les coups essuyés par les personnages sont balancés à la figure du spectateur avec une même intensité ; c’est dire qu’on ne ressort pas indemne d’un film de Winding Refn, ce qui n’est pas le cas de ce John Wick qui se complaît dans l’outrance ainsi mise en scène.