Un film sans attente, qui intrigue et embarrasse (un peu). François Ozon délaisse les esprits cartésiens et s'adresse aux mystiques, tels Isabelle, son personnage. A aucun moment ses actes ne sont expliqués, à aucun moment elle n'exprime ses désirs, ses envies, ses regrets. Isabelle semble être une abstraction, qui malgré tout ne laisse pas de marbre.
Ozon, la dessine insaisissable, splendide, mystérieuse. Il conserve ainsi la distance entre son personnage et le spectateur. On déplore (un peu) son mutisme frustrant et des paroles qui manquent. Là apparaissent la prouesse et le paradoxe : Isabelle fascine. On veut savoir, comprendre. Beaucoup seront déçus.
La beauté sculpturale de l'actrice ajoute à cette fascination. Elle porte chaque plan, emplissant l'ensemble du film de grâce et de mystère. L'image est, évidemment, magnifique, le fond l'est moins (évident). L'innocence ne convainc pas, il faut chercher d'autres motifs à Isabelle. Ozon (dé)laisse ce soin au spectateur.
Le réalisateur, fidèle à lui-même, introduit dans son récit grave quelques scènes brillantes d'humour. La scène du canapé avec son beau-père, très "tragi-comique", ainsi que l'entretien avec le psychologue, où entre en jeu la question de l'argent -du reste absente tout au long du film, choix judicieux d'Ozon de ne pas dépeindre une cause sociale (les prostituées) mais une identité propre (Isabelle, la prostituée).
Même si les plus rationnels ne trouveront pas leur compte, déplorant une Isabelle froide, lisse et convenue, il faudra néanmoins souligner une photo superbe, jamais obscène, ainsi qu'une mélodie Hardyiesque berçant à merveille les tendresses d'Isabelle.
Pareil à une saga Rhomérienne, découpant les périodes de vies en saisons, retraçant l'évolution de son personnage; Ozon signe un film qui divise, mais où Isabelle, à défaut parfois de charmer, intrigue.