Si le rendez-vous entre lui et moi est parfois manqué (Ma Loute, essentiellement) Dumont reste à mes yeux l’un des auteurs les plus fascinants du cinéma contemporain et l’ardent défenseur d’un art personnel, faisant fi des us et coutumes, voilà pourquoi, suite de Jeannette (devant lequel j’avais souffert) ou pas, c’est toujours un évènement aussi émouvant qu’exaltant de me confronter au nouveau Bruno Dumont.


 Avec Jeanne, qui est encore (un peu) un film musical, Dumont troque le métal d’Igorrr et la voix de son actrice, pour la pop angélique et celle de Christophe. Troublant mais payant : Qu’il soit off dans les dunes ou in en clôture du procès, le chanteur compositeur se loge à merveille au sein du texte de Péguy. Et sa musique habite littéralement la détermination et le chemin sacrificiel de cette héroïne de guerre.
Une Jeanne d’Arc qui évidemment aura traversé le cinéma de part en part, de Bresson à Rivette, en passant par Dreyer, Ramos et Vernier, mais qu’on redécouvre autrement encore, à travers la caméra du réalisateur de La vie de Jésus, qui parvient, à capter en Lise Leplat Prudhomme, un état de grâce, entre la fragilité et l’abnégation, dans ses maladresses et son visage enfantin, puisqu’elle n’a que douze ans.
Si l’ellipse est maitresse, la métonymie importe aussi beaucoup : Un blockhaus (de la seconde guerre mondiale) servira de geôle, la cathédrale d’Amiens fera office de Château de Rouen. Plus tôt une bataille virait à la parade chevaleresque, filmée en surplomb. Plus tôt encore, lorsque Jeanne lève les yeux vers l’astre solaire, les mots de Christophe résonnent et soudain en surimpression des images de guerre accompagnent son visage figé face caméra. Il y a toujours de la grâce, dans les films de Bruno Dumont.
Il y a toujours un plan qui étonne, une surprise qui en chasse une autre. Jeanne un moment se dérobe derrière un blockhaus et dans le plan suivant nous la voyons entrer dans une église. Le film annonce la couleur : On quitte le combat dans les dunes pour les procès en architecture arcboutée, le sable à ciel ouvert pour un ciel de pierres. Le film a le défaut de ses qualités : Il y avait moyen de construire autrement, de couper un peu de sa partie procès. Sans doute ai-je une préférence pour ce qui se joue dans les dunes. Qu’importe, l’épilogue que constitue cet ultime plan, est merveilleux.
JanosValuska
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le 26 févr. 2020

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JanosValuska

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