Dr No : Les débuts incroyablement modestes d’une saga mondialement connue.

En 1962, ce film de série B d’espionnage va donner naissance à l’une des plus fameuses sagas de l’histoire du cinéma existante encore aujourd’hui. En espérant que le prochain titre du 25ème opus soit vraiment prémonitoire pour cette dernière : Mourir peut attendre. Contrairement à Sean Connery incarnant pour la première fois le héros désinvolte et élégant en smoking sur grand écran. Qu’il repose en paix ! Sa présentation simple et laconique « Bond… James Bond » est légendaire. De plus, il sait se faire attendre des spectateurs parce qu’il apparaît qu’à la septième minute du long métrage pour être complètement raccord avec son code 007. Je ne sais pas si c’est une coïncidence mais en tout cas le monteur a bien réussi son coup.


Etrangement, ce n'est pas mon premier Sean Connery car je l’ai découvert au cinéma dans sa prestation géniale du Professeur Henry Jones. Tout au long de sa carrière, il ne cessa de casser cette image de séducteur invincible grâce à de grands réalisateurs comme Hitchcock, Lumet, Spielberg, Mctiernan… Ces cinéastes vont lui proposer d’autres personnages très forts pour contrebalancer ce rôle un peu trop léger à son goût, malgré l’impact qu’il a eu sur sa célébrité et sa carrière. Mais résumer Dr No à la seule présence de Sean Connery ne suffit pas à expliquer le succès inattendu de ce pilote.


Il pose les bases de l’univers en proposant : un héros décontracté en costard, 1 mission à réussir, des femmes fatales ou à sauver aux noms et prénoms évocateurs, des menaces arrivant de n’importe où, des courses poursuites, un ennemi souvent intelligent et impitoyable. Le thème musical nous accroche dès les premières secondes en nous faisant oublier notre quotidien, tout en nous préparant à entrer dans l’univers bondien. Après avoir remanié ce dernier composé par Monty Norman, le compositeur de musique, John Barry, eu une reconnaissance immédiate de son talent et fit décoller sa carrière de manière inattendue et spectaculaire.


Revoir ce James Bond, aujourd’hui, permet de (re)découvrir les débuts de la sculpturale Ursula Andress, ayant dû être doublée en raison de son anglais perfectible. Son apparition a profondément marqué le public, oubliant tout d’un coup la simplicité du scénario, tout en restant subjugué par sa beauté et sa tenue. Et ceci à tel point que les autres James bond girls sont éclipsées en une seconde, malgré l’importance toute relative du personnage de Miss Taro (Zena Marshall) et, encore plus, pour Sylvia Trench (Eunice Gayson). Elle a même certainement dû influencer la création de La Madrague chantée par Brigitte Bardot. Pour les sériephiles vintage, on apprécie la présence de Jack Lord jouant Félix Leiter, un agent de la CIA se posant des questions sur James Bond. En effet, il est davantage connu pour son rôle de Steve McGarret dans la série originale Hawaï Police d’Etat que ce petit rôle.


Après l’évocation des points positifs du casting, j’aborde les points négatifs du long métrage.Le fantasme de la chinoise omniprésent dans chaque personnage féminin à travers le maquillage ou ses vêtements, même pour la jamaïquaine Marguerite LeWars, est gênant et surfait. Cette représentation des femmes considérée comme caricaturale aujourd’hui était acceptable, encore à l’époque, avant les changements des mentalités dans les années qui suivirent. Mais au delà de cette particularité plutôt masculine, cette culture est moquée notamment à travers le design grossier d’un véhicule crachant du feu détournant le symbole du dragon chez eux ou en utilisant une pratique très courante dans l’industrie cinématographique en grimant, de manière exagérée, un acteur canadien pour incarner le Dr No.


Etonnamment, les noirs sont à peine mieux traités en jouant les hommes de main pour la plupart alors que la situation se déroule en Jamaïque. Un seul aide James Bond mais je vous laisse découvrir son sort peu enviable. Cette vision de la femme et de hiérarchisation sociale nuisent indéniablement à la qualité de l’œuvre quand on la regarde maintenant, même si ce type de comportement est encore cautionné par certains. En le prenant sur le ton de la légèreté et de la fiction, ça ne passe pas forcément sur certaines scènes. D’autres diront simplement que c’est politiquement incorrect.


Pour rebondir sur un aspect moins péjoratif, le film reflète une peur très présente dans la société, à ce moment là, en abordant le problème de la radioactivité nucléaire, surtout après la crise des missiles à Cuba. Sauf qu’ici, elle est traitée d’une manière très légère comme si elle était aussi inoffensive que dans Die Hard 5 : Une belle journée pour mourir. Du style une douche en accéléré et tu es sauvé. Cela prête plus à sourire qu’à créer un réel suspens pour la survie des personnages. A ce moment là, on est plus dans le côté absurde existant dans les OSS que dans le réalisme exigé dans les films d’espionnage contemporains.


Malgré son budget très modeste, j’apprécie l’effort particulier ayant été demandé à Ken Adam sur les décors afin d’éviter l’aspect carton pâte trop visible dans les séries B. Il a même réussi à obtenir une rallonge financière supplémentaire parce que les producteurs étaient satisfaits des premiers retours. En effet, ils sont corrects et dépaysent suffisamment le spectateur en l’empêchant de s’attacher à des détails. Sauf peut-être, pour les plus exigeants, la taille des poissons dans la résidence du Dr No dû à un manque de temps pour finaliser la scène correctement. L’équipe technique a du s’adapter aux aléas du tournage comme d’habitude. J’ai une petite anecdote à ce sujet : Dans la scène où James Bond essuie des tirs de mitraillette sur la plage, en étant aux cotés de Honey Rider, Ian Fleming a failli faire rater la scène car il se promenait en bord de plage à ce moment là.


CONCLUSION :


L’ensemble se suit avec plaisir, même en l’absence de gadget ou placement de produit à outrance. S’il commence à dater, je trouve cet épisode sympathique car il assume ce qu’il propose en termes d’action, malgré le manque de réalisme dans le dernier tiers. Cela résulte du budget très serré pour une aventure comme celle-ci. Heureusement il y a des trouvailles originales permettant de faire illusion notamment dans le repaire du Dr No. On est clairement plus proche d’un OSS de luxe qu’un James bond contemporain. Heureusement, ils vont apprendre de leurs erreurs et s’améliorer en termes d’action et de rebondissements par la suite notamment avec le très bon Goldfinger. Musicalement, l’empreinte de John Barry reste associée à cette saga en marquant durablement son public jusqu’à présent. L’engouement public et critique pour cet univers fut immédiat et surprenant même pour le studio (si on se réfère au budget alloué). La mise en chantier d’un second épisode fut exigée alors qu’il passait encore au cinéma. Je terminerai mon papier en affirmant que Dr NO donne vie à l’un des plus beaux couples à l’écran et en couleur : Sean Connery et Ursula Andress. Difficile ne pas satisfaire tout le monde, non ?

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le 3 déc. 2020

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Hawk

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