J'ai perdu mon corps
7.4
J'ai perdu mon corps

Long-métrage d'animation de Jérémy Clapin (2019)

Il y a quelques mois, J’ai perdu mon corps, un étrange film d’animation français se distinguait lors de la Semaine de la Critique en remportant le Grand Prix, avant de confirmer son succès d’estime au Festival du Film d’animation d’Annecy avec le Cristal du long métrage et le prix du public. Un film a priori étrange à cause de cette histoire de main solitaire, mais la curiosité l’emporte toujours, et il serait bien dommage de passer à côté de cette petite pépite.


Le film part d’une situation initiale relativement floue, même si l’on sait ce qui s’est passé. La suite du métrage s’articule autour d’enchaînement de scènes montrant l’évolution de Naoufel et le parcours de cette main solitaire, dont on ignore encore le but et la destination. D’un côté, Naoufel vivote dans une famille d’adoption qui ne se préoccupe que peu de son sort, travaillant comme livreur de pizzas, faisant face à sa propre maladresse, qui contrecarre la force de sa volonté. De l’autre, la main traverse les épreuves, faisant face aux rats du métro, traversant les lieux hostiles, dans une ville immense à l’échelle de cette main qui cherche son chemin. C’est l’image de deux parcours initiatiques, l’un par les circonstances et le destin, et l’autre par le franchissement d’obstacles et d’épreuves.


Le classicisme de l’intrigue est vite délaissé au profit d’une narration beaucoup plus cinématographique et poétique, mêlant flashbacks et présent, associant différentes couches temporelles entre elles pour créer un ensemble concordant. Ces différents mélanges ne désorientent pas. Au contraire, la fluidité avec laquelle ils s’enchaînent permet une lecture limpide des enjeux du film. À une narration poétique s’associe la beauté des images et de la musique, qui dégagent beaucoup de force et d’émotions, pour être en mesure de nous toucher au plus profond de nous.


En effet, J’ai perdu mon corps brille principalement par sa capacité à réveiller en nous des émotions authentiques et pures, à nous bouleverser. Peu importe s’il est parfois difficile de raccrocher les wagons lorsque l’on cherche à saisir le fil de l’intrigue, l’utilisation du médium cinématographique est ici suffisamment brillante pour s’affranchir de cette capacité de compréhension totale et pour dialoguer directement avec nous. Ce qui est fort, c’est que même s’il raconte beaucoup de choses, il les exprime avant tout avec poésie, ça nous enveloppe, ça nous touche, c’est ce qui le rend indescriptible mais surtout capable de capturer l’essence de la beauté.


Le deuil, les regrets, l’accomplissement, le rapport au passé, l’espoir, le destin, sont tant de choses que J’ai perdu mon corps traite de fort belle manière. C’est un film qui fait particulièrement du bien grâce à sa capacité à faire ressentir des choses, à avoir suffisamment d’intelligence dans sa construction, dans son montage, pour élaborer un ensemble beau et puissant. On est touché par l’histoire, on arrive à être ému par le sort d’une main, on a peur, on est révolté, on est ému… J’ai perdu mon corps nous fait passer par tous les états et nous fait explorer tout le spectre des émotions. Le travail sur le son et les images est remarquable, et il est impossible de ne pas citer Dan Levy, compositeur de la superbe bande originale du film, qui le sublime encore davantage. Une de ces très belles surprises qui figura parmi les belles découvertes de cette année.


Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art

JKDZ29
8
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le 16 nov. 2019

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JKDZ29

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