Irréversible par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Marcus et Pierre se retrouvent entre les mains de la police devant "Le Rectum", une boite de nuit gay. C'est à cet endroit qu'ils viennent de venger le viol atroce d'Alex, compagne de Marcus et ex de Pierre. Un témoignage vise "Le Ténia"" le type "présumé coupable" de cette monstruosité d'une brutalité absolue alors que la jeune femme rentrait seule chez elle après avoir passé une nuit festive avec Marcus et Pierre. La vengeance est alors terrible et clôture une soiré qui s'annonçait pleine de gaieté à l'image d'Alex qui venait d'apprendre qu'elle était enceinte...


C'est dans un univers contrasté entre horreur et beauté que nous nous retrouvons. La caméra tournoie en nous faisant découvrir longuement des effets de couleurs, des éclairs bleus aussi énigmatiques que le bruit sourd qui les accompagne. A n'en pas douter nous voici "embarqués" dans une aventure qui ne peut que jeter un certain effroi. Puis les bruits, les cris, les discutions sont presque indescriptibles, énigmatiques jusqu'à l'étape d'une terrible vengeance sur un quidam dont la preuve est faite qu'il n'est pas l'auteur des atrocités subies par Alex. Le viol filmé dans toute son atrocité ne fait que révéler le besoin de vengeance de Marcus notamment poussé par le désespoir lors de la vision de l'état de son infortunée compagne.
Des vies peuvent basculer en quelques secondes car cette extrême violence nous agresse d'autant plus qu'elle précède un les épisodes d'une vie peut-être anti-conformiste mais heureuse. Nous revivons les moments charnels et complices vécus par la jeune femme et son compagnon. Cette violence se justifie d'autant plus que nous accompagnons l'instant où Alex va savoir qu'elle sera maman, ce moment durant lequel elle va savourer ce rêve en se fabriquant des images d'enfants jouant près d'un jet d'eau. On entend les cris de joie de ceux-ci, leurs babillements. Puis le jet d'eau va tourner de plus en plus vite, son bruit tel les pales d'un hélicoptère va devenir de plus en plus insoutenable finissant par cacher la vue de ces enfants.


A n'en pas douter, Gaspar Noé réussit une prouesse en démarrant son film par cette succession de drames pour nous transporter vers l'apaisement. Cette trouvaille change notre façon habituelle d'appréhender de tels faits inhumains. Nous ne sommes plus dans l'attente de l'habituel et classique "couperet". Le réalisateur pense avec une précision et une émotion inouïes à nous justifier le pourquoi de tout ce déchaînement qui ouvre cette œuvre.
Pour amplifier son argument il joue avec une folle dextérité de cette caméra en liberté filmant aussi bien des scènes concrètes que des images abstraites. Nous sommes introduits dans l'aspect abject d'un milieu et d'un endroit glauque grâce à cette teinte noire qui vire par de nombreuses séquences à la couleur du sang. Gaspar Noé nous gratifie d'une scène finale absolument stupéfiante d'originalité, de beauté et de sensibilité magnifiée par un extrait de la "Septième symphonie" de Beethoven qui soulève l'émotion.
L'interprétation est absolument admirable grâce à la maestria de Monica Bellucci dans le rôle d'Alex, de Vincent Cassel dans celui de Marcus, d'Albert Dupontel dans le personnage de Pierre et de Philippe Nahon, "l"homme".


Dans cette œuvre aussi magistrale que surprenante Gaspar Noé décrit des aspects d'une société marginale, inquiétante, énigmatique, dangereuse mais aussi ouverte et joyeuse. Il nous fait explorer une faune nocturne. Tout est réuni dans ce film pour nos prouver qu'à chaque moment de notre existence, un simple détonateur peut transformer le bonheur en calvaire. Cette œuvre est certes difficile à supporter mais elle interpelle au plus haut point.


Ce film a obtenu :



  • San Diego Film Critics Society Award 2003.

  • Grand prix au Festival international du film de Stockholm 2003.

Grard-Rocher
8
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le 9 févr. 2016

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