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Irma Vep par Ninesisters

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Quand nous pensons avoir tout vu, il nous arrive un film invraisemblable, inimaginable, en deux mots complètement fou. Irma Vep, c’est tout ça à la fois.
Maggie Cheung (dans son propre rôle), sans doute lassée par les films de kung-fu, arrive à Paris pour tourner un remake des Vampires de Louis Feuillade, dont elle tient le rôle principal jadis interprété par Musidora. Affublée d’un costume bondage en latex, elle va découvrir le cinéma français.

Avouez que le projet, de base, est incongru. Enfin les projets, pour être précis : revisiter un film muet avec Maggie Cheung, et réaliser un film français avec Maggie Cheung. Quelle que soit la façon dont nous abordons le problème, c’est bizarre. Mais l’explication vient sans doute de Jean-Pierre Léaud, qui incarne le faux réalisateur du vrai long-métrage de Olivier Assayas : il est tombé amoureux de l’actrice asiatique, et tout ce qu’il voulait, c’était un prétexte pour la filmer dans une combinaison moulante en latex… Ça sent le vécu.
Olivier Assayas épousera Maggie Cheung en 1998.

Au-delà du plaisir qu’il prend sans aucun doute à fantasmer sur la belle actrice, le réalisateur – le vrai – s’en prend violemment au cinéma français indépendant, comme l’avait fait Tom DiCillo avec Living in Oblivion. Ce qui est en soi paradoxal, puisqu’il tourne lui-même un film français indépendant. En nous faisant vivre ce tournage, il met l’accent sur les problèmes d’égo omniprésents sur les plateaux, les budgets minables, les cinéastes au style trop expérimental et intellectuel pour espérer toucher des spectateurs au-delà d’un public de niche, mais aussi les critiques, qui ici ne jurent que par le cinéma d’action et ne comprennent pas comment il est encore possible de gaspiller du temps et de l’argent pour des productions qui n’intéressent personne. Au milieu de tout ça, Maggie sert de témoin voire de confidente, puisqu’elle est censée apporter un regard extérieur.

Au bout d’un moment, il est difficile de savoir ce qui tient de la fiction ou de la réalité, du faux tournage ou du véritable making-of. Maggie, entourée de Français qu’elle ne comprend pas, et obligée de porter une tenue fétichiste toute la journée pour le seul plaisir d’un réalisateur pervers, semble réellement dépassée par les événements. L’actrice, inattendue dans une telle production, se montre d’autant plus formidable qu’elle était justement inattendue. D’ailleurs, l’ensemble du casting de Irma Vep est formidable, y compris Jean-Pierre Léaud : en interprétant un has-been de la Nouvelle Vague, il n’a pas besoin de jouer ; il lui suffit de se comporter comme à son habitude pour paraitre parfaitement crédible, et c’est peut-être la première fois qu’il est crédible au cinéma.

Une des rares choses certaines concernant ce film, c’est que Olivier Assayas aime son actrice principale, fait tout pour la mettre en valeur – le costume aide bien – et ce sera finalement la seule qui trouvera grâce à ses yeux. Irma Vep est un projet absolument fascinant de bout-en-bout, dans l’étrangeté de sa démarche, ses personnages terriblement humains – y compris Maggie Cheung – et sa façon d’aborder le cinéma d’art et d’essai français dans tout ce qu’il peut avoir de décevant et de contradictoire. Un OVNI, certainement. Une curiosité, à n’en pas douter.

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