
Irma Vep a les défauts de ses qualités. Film foutraque, partant un peu dans tous les sens, Irma Vep est d'une liberté folle dans sa mise en scène, ses raccords, son accumulation de sujets qui s'agglomèrent bon gré mal gré à son récit principal.
Enfant de la Nouvelle Vague et cinéphile notoire, Assayas relate le tournage d'un remake des Vampires de Louis Feuillade - avec cette question en suspens, le cinéma est-il condamné à ne reproduire que ce qui a déjà été fait ? Tout va aller à vau l'au dans un joyeux bordel avec un metteur en scène borderline, une équipe désordonnée et des acteurs perdus au milieu de tout ça. Au-delà de la mise en abime, Assayas fait même dans l'auto-critique d'un cinéma d'auteur français souvent désargenté, subventionné et possiblement élitiste (via la présence d'un journaliste totalement fan de John Woo). En cette année 1996, le cinéaste français affirme aussi que le centre de gravité de l'industrie cinématographique s'est déplacé vers l'orient : le choix de Maggie Cheung dans son propre rôle pour incarner Irma Vep, la bienveillance que le réalisateur porte sur le cinéma d'action de Hong Kong sont deux preuves de cette idée qui pourrait s'apparenter à de la clairvoyance.
D'autres choses sont évoquées dans Irma Vep, comme autant de portes entrouvertes (mais sans être plus traités que ça) ; comme le cinéma politique des années 60 qui n'est plus qu'un lointain souvenir (sommes-nous désormais dans une époque plus cynique ou plus réaliste ?). Il y a aussi le costume d'Irma Vep (combinaison de latex, entre Cat Woman et icône SM) qui finalement s'empare de Maggie Cheung et dans la vraie vie la fait devenir l'héroïne qu'elle incarne. Comme si la fiction (et le fétiche) avait ce pouvoir magique d'influer le réel.
Tout ceci est finalement périphérique. La première qualité du film provient certainement du talent de directeur d'acteurs d'Assayas, de cette sensation de vérité qu'il insuffle à de simples scènes de diners ou une visite dans un sex shop une vie incroyable, le sentiment de la réalité - imparfait, foutraque mais tellement vivifiant.