De Keisuke Yoshida, je n’avais vu que Raw Summer, pinku eiga dispensable uniquement maté pour les beaux yeux de Sora Aoi (et pas que pour les yeux d’ailleurs), avant d’avoir visionné Himeanole pour lequel, à la lecture de la critique écrite, je m’aperçois que je n’en ai plus aucun souvenir !


Du coup, seize ans plus tard, surprise de tomber sur ce Intolerance dont voici en quelques mots l’histoire : Mitsuru Soeda, la cinquantaine bien passée, marin pêcheur de son état, est ce que l’on appelle communément un gros con. Aigri par tout, divorcé (on comprend sa femme), il passe son temps à récriminer, notamment Ryoma, jeune employé qu’il emmène sur son chalutier et qui se demande s’il ne ferait pas mieux de partir à la ville pour devenir hôte plutôt que de continuer à subir la continuelle mauvaise humeur de son patron. Quant aux rapports de ce dernier avec sa fille lycéenne, Kanon, ce n’est pas mieux, vu comment il est indifférent à ses goûts, à sa personnalité, et ne comprend pas que la gamine n’est pas très bien dans sa peau. Tout bascule quand il apprend l’accident mortel dont elle est la victime. Surprise à voler du rouge à lèvres dans un combini par un employé, elle s’enfuit et se voit coursée par ce dernier. La poursuite tourne mal : elle est renversée par une voiture avant d’être écrasée par un poids lourd (il y a des jours comme ça où rien en va). Stupeur, chagrin du père avant de laisser la place à la colère, refusant de croire que sa fille soit une voleuse. Les médias s’en mêlent et s’en donnent à cœur joie, avec ce père hors normes, mais aussi cet employé effacé ayant causé la mort d’une adolescente, l’automobiliste ainsi que la victime elle-même, finalement rien moins qu’une petite voleuse…


Un bon petit drame des familles donc, drame porté par l’excellence de son interprétation. D’abord Arata Furuta, pas odieux non plus comme Jean Yann dans Que la bête meure (son personnage est tout de même moins antipathique), mais bien pesant dans sa manière de considérer son interlocuteur, quel qu’il soit, comme une merde. Tori Matsuzaka est pas mal dans le rôle de l’employé, âme timorée qui se fait dragouiller au travail par une employée bien plus âgé que lui mais qui se retrouve surtout dépassé par sa culpabilité qui le ronge ainsi que par les commentaires nauséabonds des médias. Enfin Shinobu Terajima, justement cette employée plus âgée que l’on devine bien seule dans la vie au point de craquer pour ce beau jeune homme. Elle est un peu le contrepoids de caractère à Mitsuru Soeda. Quoique fine comme le doigt, elle déborde d’énergie et ne s’en laisse pas compter quand elle tombe sur lui dans la rue ou quand il faut virer les journaleux en face du combini.


La mécanique des médias est un peu la même que celle à l’œuvre dans L’Honneur perdu de Katarina Blum. Qu’importe qu’on ait la vérité, pourvu qu’on ait l’ivresse du bobard qui suscite l’indignation de la vox populi. Le père de famille ? Un raté grossier et violent, il faut lui régler son compte. Sa fille ? une voleuse. L’employé ? Un hypocrite. Etc. On peut trouver le traitement caricatural, après, rien ne dit qu’il soit raccord avec la réalité. De toute façon, les journalistes tendent à disparaître dans la deuxième moitié, l’intrigue se concentrant sur les affres des personnages et sur le dénouement.


Sans être totalement heureux, celui-ci apportera sa petite bulle d’air, même si, personnellement, je n’ai pas pu m’empêcher de me sentir désolé pour le sort d’un personnage qui aurait mérité mieux.


Sombre par certaines scènes, lumineux par le sort qu’il fait sur les notions de pardon et de rédemption, Intolerance est assurément un des bons drames japonais de l’année 2021.

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Créée

le 11 avr. 2023

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