Fils caché de 2001 et Contact
Forcément, les esprits chagrins de la critique, ces cyniques permanents, ne manqueront pas de se moquer du dernier film de Christopher Nolan. L’exercice est facile, d’autant qu’Interstellar succède à l’immense The Dark Knight Rises, imparable tragédie grecque formatée aux standards hollywoodiens. Et que Christopher Nolan s’attaque à la science-fiction, genre ô combien casse gueule. Forcément, le film de trois heures n’est pas parfait. Mais il possède une qualité très rare dans le cinéma contemporain, il est plus grand que la vie. Dès les premières images, vous êtes projeté dans un futur au réalisme troublant. Le malaise est immédiat, la curiosité titillée. Et pendant trois heures, vous attendez le plan suivant, l’image d’après pour savoir où Christopher Nolan veut vous emmener. Impossible de deviner le cheminement du scénario. Impossible de savoir quand la dernière image imprimera votre rétine. Car Nolan fait durer, peut-être trop mais qui s’en plaindra, une histoire coincée entre le mètre étalon 2001 de Kubrick et l’oublié Contact de Zemeckis. Comme ces deux films, Interstellar parle de voyage interplanétaire, de rencontres extra-terrestres. Comme ces deux films, il montre davantage l’homme face à ses limites, physiques et scientifiques, que des mondes parallèles. 2001 se termine dans une chambre à coucher, Interstellar commence dans une chambre à coucher. L’antipathique et traître Hal-9000 de 2001 est remplacé par des robots maniant humour et second degré pour mieux exécuter les ordres humains, même quand ceux-ci sont illogiques. Le parallèle avec 2001 est infini, jusqu’aux reflets des voyages interstellaires sur les casques des astronautes. Interstellar rencontre Contact sur la « rigueur » scientifique de ses affirmations, entre trous noirs et trous de ver, offrant une caution réaliste à un film qui ne l’est sans doute pas. Mais surtout, il joue à la fois du destin de l’humanité, rien que ça, et de celui d’une famille. Microsmos et macrocosmos, Interstellar est immense et il est triste de voir Le Monde ou Libération titrer sur un échec (avec une publicité, dans les deux cas, pour le petit film Bande de filles en Une) alors que Nolan atteint là un sommet cinématographique, sans abuser des effets spéciaux, vision intimiste de la science-fiction à grand spectacle.
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