Un film brillant, jamais très loin de l'esbroufe scénaristique mais totalement surprenant pour peu que l'on plonge dans cette affaire de gigantesque détournement et de manipulations en tous genres. En densifiant d'emblée sa narration ( chronologie bouleversée, mêlée de flash-backs et de séquences recomposées...) Spike Lee réalise avec Inside Man un film de braquage particulièrement malin, un film prouvant scène après scène l'intelligence technique et artistique de son auteur.
Baignant dans la superbe lumière bleutée de l'opérateur Matthew Libatique ce polar apparemment disparate distille patiemment ses retournements de situation, ménageant son récit au gré d'une mise en scène nerveuse et parfois suggestive. Cultivant élégamment les zones d'ombre de son script original Spike Lee poursuit contre toute attente les chemins cinématographiques empruntés avec La 25ème Heure, se désintéressant à nouveau de ses préoccupations sur la cause afro-américaine...
On sent pourtant de sérieuses prises de position politiques et idéologiques au travers de cet Inside Man à la fois introspectif et tout en suspense pondéré : les fantômes du nazisme transparaissent en filigrane au fur et à mesure que le métrage avance jusqu'à son dénouement, de la même façon que les requins sans scrupules des univers spéculatifs aux arcanes notoires. En ce sens la présence au générique de Christopher Plummer annonce son importance dans le récent Tout l'argent du Monde de Ridley Scott, autre film majeur sur l'oligarchie financière et ses retombées internationales.
Outre un récit à la fois redoutablement futé doublé d'une audace théorique assez bluffante ce polar un brin nébuleux, parfois un tantinet capillotracté dans sa démonstration, bénéficie d'un casting sans fausses notes et parfaitement crédible : entre une Jodie Foster minérale, un Clive Owen mystérieux et machiavélique et un Denzel Washington totalement charismatique Inside Man est une petite leçon de mise en scène et d'agencement. Un grand film, ni plus ni moins.