Après avoir fait l'impasse sur "The Master", qui ne m'attirait pas et qui avait reçu des critiques très mitigées, je renoue avec l'œuvre de Paul Thomas Anderson, auteur notamment de trois (très) long-métrages haut de gamme, à savoir "Magnolia", "Boogie Nights" et "There Will Be Blood".


Hélas, "Inherent Vice" s'avère bien ce qu'il semblait être, c'est-à-dire une disgression décousue de deux heures et demie autour d'un scénario aux innombrables ramifications, illustrées par autant de personnages secondaires hétéroclites qui vont et viennent sans logique apparente devant la caméra, certes virtuose, de PTA.


Comme on pouvait le craindre, on flirte bien souvent avec le pensum soporifique, auquel on échappe seulement grâce à quelques séquences réussies, où l'émotion finit par émerger.
Le roman de Thomas Pyncheon est paraît-il tout à fait dans cette perspective, donc l'adaptation de PTA est au moins fidèle à son matériau de base, mais on a l'impression que le surdoué américain a réalisé ce film pour lui-même et quelques happy few, oubliant en route le public au profit de son propre plaisir d'esthète intellectuel.


On voit bien où "Inherent Vice" veut en venir, dans cette chronique de la fin de l'idéologie beatnik, du retour sur terre après avoir plané un bon moment, matérialisé par la scène finale, où le flic, symbole des institutions et du pragmatisme, absorbe tout entier le stock d'herbe du héros, comme un point final à toute cette époque de rêverie.


Mais la forme prise par le film pour évoquer ce virage entre deux décennies rebutera un grand nombre de spectateurs, qui ne pourront guère s'appuyer sur le vague scénario de polar pour entrer réellement dans le septième long-métrage de Paul Thomas Anderson.


De ce point de vue, la romance fonctionne mieux, même si je ne suis pas spécialement sensible aux charmes de Katherine Waterston, il faut reconnaître que son allure hippy chic est en adéquation avec le rôle, avec l'époque et avec cette Californie encore sauvage qui entame sa mutation.
De même, la performance de Joaquin Phoenix est impressionnante, mais le fait qu'il soit stone pendant tout le film finit par le rendre agaçant, voire antipathique.


Même la mise en scène de PTA ne m'aura pas transcendé, dans la mesure où les nombreux plans fixes et la photo assez terne semblent témoigner d'une certaine sobriété voulue par le réalisateur, qu'on a connu plus brillant et plus innovant.


Bref, on dira que je ne suis pas client de ce genre de film, et si je lui reconnais certaines qualités (comme sa bande originale folk), je ne recommanderais pas "Inherent Vice" à mon entourage, en raison principalement de sa durée rédhibitoire et de l'ennui que j'ai ressenti en corollaire.

Val_Cancun

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5

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