L'invasion des profanateurs de sarcophages [SPOILERS INSIDE]

Voici bien un film qui aura fait couler beaucoup d'encre ! Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal, quatrième épisode tant attendu d'une saga culte, a divisé fans et critiques lors de sa sortie, durant l'été 2008. Pour ses nombreux détracteurs, le résultat est sans appel : ce film n'est tout simplement pas digne de porter le titre Indiana Jones.


Mais au fait, c'est quoi Indiana Jones ? Indéniablement, un synonyme d'aventure et d'exotisme. Un personnage charismatique, un héros partant à la recherche de vestiges mythologiques, ne craignant pas de se heurter à la colère de(s) Dieu(x).
C'est également un univers qui puise son inspiration au cœur de la culture populaire et en particulier des serials. Dans les années 30, les récits d'aventure étaient légion au cinéma (Le Masque d'or avec Fu Manchu, Tarzan mais aussi King Kong qui n'est cependant pas un serial), dans la littérature pulp et dans la bande-dessinée (Jungle Jim, Tarzan... encore lui !). Il était donc logique de placer l'archéologue fougueux créé par George Lucas au cœur de cette décennie. Elle permet même au réalisateur Steven Spielberg, de confession judaïque, de confronter son héros à la folie nazie (catharsis ?). Lorsque les deux nababs hollywoodiens décident de ramener leur création sur les écrans, vingt ans après le dernier opus en date, il est impossible de camoufler le vieillissement de Harrison Ford comme ce fut le cas entre 1981 et 1989. Plutôt que de duper le public, Spielberg et Lucas acceptent de voir vieillir leur héros et situent donc ses nouvelles aventures dans les années 50. A cette occasion, ils restent fidèles à leur intention de départ et utilisent ce nouvel opus pour rendre hommage à la culture populaire de cette décennie.


Attardons-nous sur les pulps, BD et séries B des années 50. Qu'y trouve-t-on ? Des préoccupations autour de la guerre froide, la peur de la bombe atomique (Godzilla au Japon, plusieurs épisodes de La Quatrième Dimension au États-Unis), des insectes géants (Les Monstres attaquent la ville), des soucoupes volantes (Planète interdite) et des extraterrestres (La Guerre des mondes de Byron Haskin). Le genre de films auxquels Joe Dante fait référence dans Panic sur Florida Beach. Et là, force est de constater que cet Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal remplit parfaitement son contrat et ancre indubitablement notre héros préféré dans cette nouvelle toile de fond. A l'instar des extraterrestres de L'Invasion des profanateurs de sépultures, ceux d'Indiana Jones IV sont l'incarnation même de la pensée unique, et donc de l'idéologie soviétique (ou du McCarthysme). Le lien entre les Russes et le crâne est à la fois basée sur la convoitise et la répulsion. On n'est pas loin de ce qui liait les nazis à l'arche d'alliance ou au Graal. Donc, au fond, ne retrouve-t-on pas ce bon vieil Indy ?


Ce film offre de nombreux éléments de background (ce qui faisait défaut dans le deuxième épisode). On est heureux de retrouver le sourire de Marion Ravenhood, on voit Indy passer du statut d'orphelin à celui de père de famille et on apprend au détour de certaines scènes ce qui lui est arrivé pendant ses vingt années d'absence sur grand écran. Les scènes d'action et d'aventure spectaculaires sont, elles aussi, bien présentes (ce qui faisait défaut dans le troisième épisode). Alors, avec tous ces bons points, pourquoi est-il considéré comme un mauvais film ? La scène du réfrigérateur ? Indiana Jones a déjà sauté d'un avion avec un canot pneumatique et personne ne s'en est plaint. La légende urbaine du réfrigérateur protégeant des radiations n'est d'ailleurs pas née avec ce film (il n'y a qu'à lire le premier scénario de Retour vers le futur pour s'en rendre compte). Il s'agit, en fait, d'un pastiche du court-métrage de propagande Duck and Cover (« Plonge et couvre-toi ») qui apprenait aux enfants ce qu'il fallait faire en cas d'attaque nucléaire soviétique (film que l’on retrouve dans une scène du Pont des Espions du même Spielberg). Les chiens de prairies ? Leurs quelques secondes à l'écran sont anecdotiques ! Shia Labeouf imitant Tarzan en sautant de liane en liane ? Il est vrai que cette scène n'est pas très heureuse. Mais, plus généralement, le problème du film vient de la structure assez chaotique du récit. En gros, le film s'attarde sur deux longues scènes (la Zone 51 et la course-poursuite dans la jungle) et tout le reste est expédié. L'aventure principale, qui commençait dans les épisodes précédents lorsqu'Indy quitte l'université, est ici assez pauvre (une scène de pillage de temple / un face à face avec l'ennemi / une course poursuite / le dénouement). Ce manque d'équilibre entre les différents actes de l'histoire est le réel défaut du film. Il est cependant contre-balancé par une mise en scène impeccable de Steven Spielberg qui essaye de retrouver son insouciance des 80s. Quant à l'intrigue sortie de l'imagination de George Lucas, elle s'avère bien meilleure que ce qu'il a pondu pour la prélogie Star Wars, n'en déplaise à certains.


Mais le désamour rencontré par le film a une autre explication. Depuis Indiana Jones et la dernière croisade, un élément a joué un rôle important dans l'appréciation de cette franchise : le temps. Et, sous bien des aspects, cette problématique est au cœur de ce quatrième opus. Steven Spielberg a avoué qu'il pensait avoir tout raconté dans sa trilogie et qu'un nouvel épisode n'était absolument pas justifié. Seul l'engouement du public l'a poussé à revenir dans son fauteuil de réalisateur. De là à s'effacer totalement derrière le récit ? Pas tant que cela ! Outre le sentiment de nostalgie qui traverse le film (ressenti aussi bien par les personnages que par le public), la mise en scène de Spielberg insinue une idée un peu amère : celle qu'Indy n'est pas à sa place. Le film est d'ailleurs construit autour de deux plans terriblement évocateurs : Indy face à une explosion atomique (un homme du début du XXème siècle hors de son temps) et Indy face à une soucoupe volante (un héros d'aventure hors de son genre). Un douloureux constat qui contraint l'aventurier casse-cou à être plus spectateur qu'à l'accoutumée bien qu'il nous livre tout de même de beaux moments d'action. Dans ce contexte, pas étonnant que Spielberg accouche d'un pop corn movie des 80s qui se serait égaré en l'an 2008. Certains trouveront cela navrant à l'heure où The Dark Knight se positionnait comme un game changer, d'autres y verront un sous-texte intéressant sur l'évolution des formes et mouvements cinématographiques.


A l'instar d'Indiana Jones et le temple maudit, ce quatrième épisode s'éloigne des bases instaurées par Les Aventuriers de l'Arche perdue et reprises dans Indiana Jones et la dernière croisade (les deux épisodes préférés de leur réalisateur). S'il est clairement plus léger et moins abouti que ces illustres prédécesseurs, il n'en demeure pas moins un excellent divertissement old school qui survole nettement ce qui se fait aujourd'hui en matière de cinéma d'aventure.

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le 19 oct. 2011

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