« On peut toujours dire du mal, c’est juste une forme d’esprit à prendre ! »

Illusions perdues est une adaptation du roman de Balzac. Roman qui mérite toute sa place au sein de la comédie humaine et que retranscrit admirablement ce film tout en prenant des libertés.

C’est bien à une comédie triste, lamentable et cruelle que nous assistons. Comédie dans laquelle va se trouver entraîner Lucien, un jeune provincial débarquant tout innocent à Paris. Il arrive avec ses rêves, ses illusions et son talent d’écrivain qui n’intéresse personne ou presque. Ce qui intéresse le tout Paris, ce sont les ragots, les informations croustillantes – qu’elles soient vraies ou fausses cela n’a aucune importance –, la polémique. Les critiques font et défont la célébrité, qu’importe le talent réel ou non d’un artiste de théâtre, qu’importe le contenu des livres qu’ils ne lisent pas mais dont ils font l’éloge ou qu’ils massacrent selon le prix qu’on leur donne. Tout s’achète, c’est la seule réalité qui a du poids. Au contact de Lousteau qui le prend sous son aile, Lucien va vite apprendre. Et son talent d’écriture va se déployer avec aisance et avoir vite du poids. Il lui reste pourtant des réticences. Tenant entre ses mains le livre de Nathan que Lousteau lui demande de descendre, il lui répond qu’il ne peut dire du mal d’un livre si bien écrit et si authentique. Ce à quoi Lousteau lui rétorque :

on peut toujours dire du mal, c’est juste une forme d’esprit à prendre !

Il lui en fait alors la démonstration :

si le livre est émouvant, tu dis qu’il est complaisant ; s’il a un style classique, il est académique ; s’il est drôle, il est superficiel (…).

Amusé, convaincu, Lucien écrit alors une critique acerbe sur le livre de Nathan et la lit à Lousteau qui s’exclame :

bravo ! C’est d’une mauvaise foi admirable !

Pitoyable comédie… dont personne n’est dupe, mais il faut jouer son rôle si on veut avoir sa place de pantin dans ce jeu. Un jeu qui se joue sans relâche en particulier à travers les regards dans les réceptions, ou au théâtre. Regards qui s’épient, se jaugent, se toisent. La vraie comédie ne se joue pas sur la scène mais dans le public.

Cette comédie humaine peut vite tourner à la tragédie si on n’est pas assez prudent, si on perd ses appuis, si on fait un faux pas, si on maîtrise mal les règles du jeu.

Illusions perdues est un film décapant, très bien porté par ses acteurs. Une belle adaptation de Balzac au cinéma.

Créée

le 2 juin 2022

Critique lue 81 fois

15 j'aime

11 commentaires

abscondita

Écrit par

Critique lue 81 fois

15
11

D'autres avis sur Illusions perdues

Illusions perdues
el_blasio
9

Un contrat plus qu'honoré

Illusions Perdues parvient à nous emporter avec panache et brio au cœur de la tourbillonnante Comédie humaine chère à Balzac, plus contemporaine que jamais. Pour un littéraire talentueux, il est...

le 27 sept. 2021

106 j'aime

8

Illusions perdues
jaklin
5

Eloge du contre-sens musical

J’aurais pu mettre 8. J'aime pourtant beaucoup d'habitude Giannoli : L'apparition et Marguerite sont de très bons films. Ici, les acteurs sont presque tous bons, Balibar et De France en tête, en...

le 9 avr. 2022

42 j'aime

92

Illusions perdues
Kopliko
7

Le jour où un banquier rentre au gouvernement...

Balzac, l’un des romanciers français les plus connus et l’un des plus adaptés au cinéma. Pourtant, lorsque l’on regarde la liste des adaptations de ses œuvres, la plupart se sont faites avant les...

le 15 oct. 2021

41 j'aime

5

Du même critique

La Leçon de piano
abscondita
3

Histoire d'un chantage sexuel ...

J’ai du mal à comprendre comment ce film peut être si bien noté et a pu recevoir autant de récompenses ! C’est assez rare, mais dans ce cas précis je me trouve décalée par rapport à la majorité...

le 12 janv. 2021

56 j'aime

20

Le Dictateur
abscondita
10

Critique de Le Dictateur par abscondita

Chaplin a été très vite conscient du danger représenté par Hitler et l’idéologie nazie. Il a été l’un des premiers à tirer la sonnette d’alarme. Il commence à travailler sur le film dès 1937. Durant...

le 23 avr. 2022

33 j'aime

22

Blade Runner
abscondita
10

« Time to die »

Blade Runner, c’est d’abord un chef d’œuvre visuel renforcé par l’accompagnement musical mélancolique du regretté Vangelis, les sons lancinants et les moments de pur silence. C’est une œuvre qui se...

le 15 janv. 2024

32 j'aime

19