Il y a, dans toute la première partie d'Il était une fois en Anatolie, deux films qui se dessinent et se relaient : une recherche d'abord, au cours d'une longue nuit qui ne veut jamais finir ; celle d'un corps que l'on dit enfoui quelque part et dont quelques hommes qui ne semblent pas se connaitre, tentent de retrouver la trace. Et puis, à côté, certains de ces hommes qui se parlent et se confessent, entassés dans une voiture s'enfonçant dans les pleines d'Anatolie. Les séquences alternent et le film trouve alors un rythme quasi parfait, car parfaitement équilibré, et où chaque moment vient balayer le précédent, non sans lui faire écho. Ces quelques hommes alors, échangeant des secrets et interrogations, retrouvent un peu de chaleur, là où dehors, le mal a encore frappé. Par ce portrait intime, qui trouve par endroits des vrais moments comiques, Nuri Bilge Ceylan dessine un magnifique portrait de la Turquie, peuplée d'hommes perdus à travers leurs obsessions et désillusions.
La seconde partie du film, qui prend malheureusement le parti de resserrer sa narration autour de deux personnages et de l'autopsie du corps, perd en intensité et accumule des longueurs, bien qu'elle soit tout aussi révélatrice.
Néanmoins, le film aura tissé sa toile et imposé son ampleur esthétique, notamment, à travers les séquences filmées dans la nuit, sa sidérante photographie presque dorée. Après cette odyssée du mal, les hommes sont fatigués, mais le jour revient et il reste quelques enfants, ceux qui courent et ont encore le temps de se renvoyer un ballon, comme pour dire qu'il leur reste du temps.
A.A