On peut d’abord être séduit par l’aspect esthétique – bien que formel, voire formaliste – de Ida : beau noir et blanc, format 4/3 avec plans fixes décadrés (très fixes et très décadrés) comme pour imposer une constante présence divine, travail sur les costumes et les décors qui nous plongent de manière convaincante dans la Pologne du début des années 60. On peut penser qu’avec une histoire qui, sur le papier, a tout pour intriguer, Pawlikowski va nous dire des choses – sans pour autant faire un film à sujet – sur le "coming of age" d’une jeune nonne, le rôle joué par les Polonais catholiques dans l’extermination des juifs pendant la guerre, le rapport à la religion dans ce pays socialiste.
Malheureusement, on déchante bien vite. Dans une première partie expéditive, les deux protagonistes arrivent au bout de leur enquête sans obstacle ni effort. C’est bon, Anna a eu ses réponses (son impassibilité perpétuelle empêchant toute empathie), elle peut retourner tranquille au couvent. C’était compter sans un événement archi-prévisible qui va la ramener chez sa tante et nous faire assister, dans une deuxième partie encore plus expéditive, à son éclosion. Jusqu’à la scène finale, où une caméra pour la première fois mobile nous montre une jeune fille enfin libre, confiante, heureuse, qui sait où elle va (nous, non).
Le réalisateur déroule son scénario comme du papier à musique, moins intéressé par son sujet que par la façon dont il va le traiter, si bien que l’on finit, nous aussi, par s’en moquer. Restent quelques jolis gros plans sur le visage d’Anna et des scènes de bal qui ne sont pas sans rappeler celles des Amours d’une blonde de Miloš Forman, la folie en moins. Mais quand la forme (académique, froide, inhabitée) prend à ce point le pas sur le fond, on est lâché en cours de route, et il ne nous reste plus qu’à apprécier la musique de Bach, Mozart et Coltrane.