Tout le monde aura fait la comparaison avec Gone Girl de Fincher. Parce que dans sa tournure, certains de ses plans, et par Rodamund Pike qui porte le film, il est indéniable que J. Blakeson s'en inspire, cantonnant d'ailleurs peut-être un peu trop son actrice principale dans un rôle qu'elle a déjà très bien campé dans le passé. Mais soit, après tout, pourquoi pas. Cela dépend du film.
I care a lot commence plutôt bien, avec une héroïne forte, aussi détestable que classe (environ 90% du budget costume a du passer dans les vêtements de Rodamund Pike) qui gagne sa vie au détriment de celle des autres, notamment plus démunis à savoir les personnes âgées. Son arnaque est bien ficelée et a provoqué chez moi l'effet escompté : dégoût, haine, le tout sur fond de critique de notre fonctionnement financier et du rêve américain. Tombant finalement sur un poisson bien trop gros pour elle, on souhaite la voir perdre (on lui souhaite en réalité bien pire) ou du moins, évoluer si elle gagne, ou que cela soit mené de manière intéressante puisqu'elle se confronte à bien plus "fort" qu'elle. Le tout baigne dans une mise en scène parfois originale, avec certains jeux de couleurs intéressants (le rouge quand elle fait du sport par exemple) tout au long du film, qui font écho aux vêtements de l'actrice principale. Mais encore ? Spoilers.
Un mot sur mon principal reproche : le "girl power", et j'insiste sur les guillemets. J'ai tout de même attendu la fin du film pour m'en plaindre. I care a lot fait partie de ces films qui jouent sur l'actualité, sur les tendances (encore une fois, coucou Netflix), et donc sur un message politique à la base important, mais qu'il réduit à une simplicité presque insultante pour les causes féministes sérieuses. Enfin, selon moi. Je m'explique.
Dans ce film, toutes les femmes sont fortes. Toutes. Quand elles ne le sont pas, à l'image du rôle de Dianne Wiest, c'est parce qu'elles sont doublées par des femmes meilleures qu'elles. Les hommes sont quant à eux tous montrés en situation d'échec, tantôt pathétiques, tantôt bêtes, tantôt incompétents, et le seul rôle pouvant à priori rivaliser avec elle, à la tête d'une branche de la mafia russe hein, finit sur un compromis. C'est le mieux qu'un homme puisse avoir. D'ailleurs, ce dernier a une équipe entièrement composé d'hommes, alors qu'elle, de femmes. Est-ce que je vois les choses d'un mauvais angle ? Je ne sais pas, le seul membre de la mafia russe pas trop mauvais, qui mène à bien ses missions et va au bout des choses ... est devinez quoi ? Une femme. Les hommes sont souvent ramenés au fait qu'ils ne supportent pas d'être confrontés à une femme forte (ce qui est souvent le cas, personne de censé ne nierait cela), au fait qu'en manque d'arguments, seules des menaces émanent de leur bouche .. bref, on a compris film, les hommes sont uniquement bercés par leur domination sociétale habituelle et leur bêtise apparente. La mafia russe ? Aucun problème pour un couple de femmes fortes, mais lambda. Et sinon ?
Eh bien rien. Et c'est le problème. Parce que dès lors qu'on s'en aperçoit, on devine la fin. Même la dernière scène, qui n'est au final pas réellement satisfaisante puisqu'elle ne souffre pas et qu'elle admet tout le long du film ne pas avoir peur de la mort, ne permet pas au discours du film de se relever. Le film n'est pas pensé de manière cohérente, il est pensé de manière genrée, afin de montrer ce que Monsieur Blakeson (ou Netflix) pense des femmes fortes. Ici, tout est noir, ou tout est blanc. Sous couvert de ce fameux discours sur ceux qui s'enrichissent au profit des autres et qui finiront rattrapés par leurs actes (SPOILERS : dans la vraie vie, ça n'arrive jamais), et outre la pauvresse de cette apparente morale, la fin insiste davantage pour moi sur cet homme paumé et démuni, victime de cette femme, qui a recourt à la violence pour obtenir justice. Sauf qu'elle est parvenue à son objectif, c'est-à-dire s'enrichir.
Suis-je frustré de la fin ? Certainement, comme la plupart des spectateurs je pense. Et je l'accepte. Mais je suis surtout frustré du traitement de certaines questions d'actualité par ce film.
Ce dernier, pensé uniquement par le genre, m'a obligé à le regarder par ce prisme. Et je n'aime pas ça. Si je déteste Rosamund Pike dans ce film, c'est parce que le personnage est odieux. Si je ne suis pas fan du personnage joué par Peter Dincklage, c'est parce que c'est un trafiquant de femmes et qu'il gère un réseau de prostitution (et qu'en plus, je ne trouve pas particulièrement convainquant ici). Mais pas à cause de leur sexe. D'ailleurs, à la base,nous ne sommes pas censés nous poser la question du genre, mais le film nous le crache littéralement au visage. Les personnages ne seront d'ailleurs pas développés plus que cela, on ne saura rien de l'origine de leurs motivations profondes si ce n'est que ce boss de mafia tente de sauver sa mère, ce qui est peut-être un des points positifs du film puisqu'on en vient à souhaiter sa réussite malgré son activité horrible.
Bref, I care a lot est un film vide, surfant d'une mauvaise manière sur les tendances actuelles (en les déjouant malgré lui puisqu'au final, gagner contre des hommes représentés de si piètre manière, cela signifie-t-il que ces "femmes fortes" ne peuvent gagner que contre des hommes que s'ils sont aussi peu compétents ?), heureusement porté par Rosamund Pike. Rien de plus, encore une production Netflix bien trop moyenne.