Je me plains ici assez souvent du fait que beaucoup d'auteurs et de réalisateurs s'autocensurent à un point grotesque, mais il faut reconnaître à Ridley Scott d'ignorer cette peur qui étreint bien trop d'artistes. Avec House of Gucci, il se lance donc à fond les ballons dans une comédie / biopic sur l'héritage houleux de cet empire du luxe italien. Mais attention ce n'est pas Succession.

Italien : inconvenant

C'est plutôt un énorme craquage de Ridley Scott, pourtant dans une forme intéressante (The Last duel sort presque au même moment.) Pour relater l'histoire de famille italienne, il engage des acteurs américains pour jouer les Italiens, comme dans Le parrain, me dire-vous... Mais tous se parlent en anglais avec des accents italiens en Italie (pas comme dans Le parrain).

Même Robert Lamoureux n'avait pas osé faire ça avec les Allemands dans Où est donc passé la 7e compagnie. Quitte à jouer la carte improbable loufoque autant y aller à fond dans le délire, mais Ridley tient quand même à rester dans la vraisemblance, et c'est peut-être ça le souci. Avec un truc bien con assumé avec Will Ferrell et Jody Hill à la réalisation ça aurait pu passer.

Or le traitement n'est pas si rigoureux que ça. On ne sait que penser que de Patrizia, amoureuse ou juste intéressée ? On la montre au tout début sincèrement éprise du jeune héritier, puis obsédée par la perspective d'intégrer une famille prestigieuse, puis subtile manipulatrice qui dégage les autres membres pour leur seul bénéfice, au point de réaliser un faux en écriture (même si ce n'est pas montré clairement).

Et beaucoup de choses ne sont pas montrées, on dirait qu'il manque des étapes, comme si des scènes avaient été supprimées afin de ne pas rendre le film trop long - ce qu'il est de toute façon. Sans pour autant devenir didactique ou palpitant (exemple : le désamour entre Patrizia et Maurizio). On comprend mal comment cette femme déterminée et manipulatrice se fait écarter aussi facilement par son mari. Le film nous présente pendant 1 h 20 une femme forte "qui a de plus grosses couilles que son mari", qui termine sur la touche et en est réduite à comploter avec une voyante de 3e zone. Il y a quelque chose qui ne colle pas dans le profil de ce personnage central, si dominant durant la plus grande partie du film et que l'on voit péricliter sans explication.

La scène de négociation avec les assassins de son mari se voulait truculente mais elle est complètement plate.

Les dialogues ne pétillent pas et les acteurs...

Fashion weak

Adam Driver est un bon acteur, c'est un fait, il donne ce qu'il peut mais il n'est pas forcément aidé par le texte et sa partenaire, Lady Gaga qui pense que pour jouer la comédie il suffit juste de faire un enchaînement de mimiques, Jared Leto est en mode Grand Bluff de Patrick Sébastien et même si son rôle demande une part de cabotinage il y est peut-être allé un peu fort, à l'inverse Camille Cottin marche dans les pas de Jean Dujardin dans The artist avec un rôle quasi muet (ou alors elle a été coupée parce que pas convaincante) et Al Pacino connaît une fin de vie Roger Hanienne, vous obtenez un film 2H37, deux fois plus long que The irish men en ressenti.

Lors des 10 dernières minutes, il se passe bien un truc, mais c'est déjà la fin du film. On ne comprend pas grand-chose à l'évolution de la boîte non plus, mais tu as droit à la B.O Chérie FM constante pour t'indiquer que tu passes de 83 à 86 (ah tiens Heart of glass, ah George Michael...).

Non vraiment les biopics quand c'est mal fait, c'est très vite ridicule. Halston passe presque en comparaison pour une production Scorsesienne.

Bilan : un bon gros gâchis.

Negreanu
4
Écrit par

Créée

le 16 mai 2023

Critique lue 13 fois

1 j'aime

Negreanu

Écrit par

Critique lue 13 fois

1

D'autres avis sur House of Gucci

House of Gucci
Behind_the_Mask
8

♫ Victime de la mode ♪

Il est amusant de constater que Ridley Scott semble prendre un malin plaisir à faire la nique aux critiques qui, après l'avoir bien léché pour Le Dernier Duel, se font un devoir de le lâcher...

le 29 nov. 2021

56 j'aime

9

House of Gucci
Plume231
5

Trash Fashion!

Gucci, une marque qui incarne l'essence même du luxe à des prix vertigineux. Des vêtements et des accessoires de mode que le commun des mortels ne pourra jamais s'offrir, ayant juste les possibilités...

le 27 nov. 2021

44 j'aime

15

House of Gucci
dagrey
4

Chronique d'une fin de règne (et de race)

House of Gucci raconte l’empire familial qui se cache derrière la célèbre marque de luxe italienne. Le récit s'étend sur trois décennies de passions, trahisons, décadence, vengeance pour se terminer...

le 30 nov. 2021

28 j'aime

12

Du même critique

The White Lotus
Negreanu
7

The tanned

Saison 1 :Voilà une série qui n'a pas fait grand bruit à sa sortie et qui est pourtant riche d'une écriture assez unique. En cette période de disette, où toutes les séries sont standardisées,...

le 14 déc. 2022

36 j'aime

3

The Outsider
Negreanu
4

Et si The Outsider était la nouvelle arme des américains pour faire chier nos jeunes ?

Un meurtre d'enfant aussi sauvage que sordide, des preuves accablantes qui incriminent contre toute attente un citoyen respectable d'une paisible bourgade (elles le sont toutes là plupart du temps...

le 10 mars 2020

29 j'aime

5

Mort à 2020
Negreanu
2

Death to "Death to 2020".

Charlie Brooker n'y est plus. Les deux dernières saisons de Black Mirror le laissaient présager, mais son faux docu sur 2020 pour Netflix est le plus souvent consternant et confirme la mauvaise passe...

le 6 janv. 2021

25 j'aime

10