Critique écrite en Juillet 2020


En 1892, le capitaine de cavalerie Joseph Blocker (Bale) se voit contraint d’escorter un chef de guerre cheyenne mourant sur ses terres sacrées pour y mourir en paix. Mais le chemin ne sera pas simple …


Je ne puis introduire le réalisateur de ce long-métrage, Scott Cooper, comme il se doit, puisque c’est le premier film que je vois de lui, mais il semble plutôt investis dans sa création, puisqu’il y apparaît en tant que réalisateur, scénariste, acteur et coproducteur. Aussi vais-je devoir regarder ces 3 précédents films, tant celui-ci m’a conquis.
Je ne vais pas tant m’attarder sur la technique, car c’est ici le fond plus que la forme qui m’intéresse.


La photo ne fait pas dans le spectaculaire, mais elle capte aussi bien les grands espaces vides que les scènes de discussions intimistes. Elle se montre efficace dans les scènes de tensions, avec de rares plans larges, et reste un maximum proche des personnages (on peut se le permettre vu la justesse du casting) et c’est tant mieux car ils sont le sujet principal du film.


A la musique, on retrouve Max Richter (Leftovers <3), avec des morceaux pas vraiment Western, mais puisque ce n’est pas un film ou les cowboys sont des héros qui tirent partout, c’est un bon choix. Elle ne quitte jamais vraiment le film, mais sait se montrer puissante, douce ou mélancolique suivant les besoins, et reste digeste jusqu’au bout.


Revenons-en à l’histoire … Le film s’ouvre sur une scène de massacre de la famille de la petite maison dans la prairie par un groupe d’indigènes, des Comanches. Seule survivante au massacre, Rosalee ; ses 3 enfants et son mari ayant été sauvagement assassinés par les peaux-rouges. Oh non, un film de cowboy ou les gentils cowboy vont chasser les méchants indiens … Sauf que peut-être pas … On est ensuite introduit au personnage de Joseph, joué par Bale, alors qu’il est train d'enlever un indien à sa famille, froid et stoïque face aux cris de désespoir de sa femme et ses enfants, eux-mêmes faisant échos à la scène précédente. Ou mais tiens, finalement l’homme blanc n’est peut être pas un preux chevalier chassant noblement l’indigène …


Et si l’américain était un être au moins autant cruel et hostile que ceux qu’il s’évertue à chasser ? Et si finalement, il n’était pas question de couleurs de peaux, de langues ou de coutumes, mais simplement de violence et de rage infiniment cruelle, d’actes destructeurs répondant à d’autres actions toujours plus inhumaines ? Et si le monde n’était pas dichotomique, sans gentils ni méchants ? Pire, et s’il était chaotique, injuste et détestable ? Serait-il alors seulement possible pour un homme d’espérer pouvoir changer, accepter ses péchés et rechercher un quelconque pardon salvateur ?


C'est la tout le propos du film, construit et centré quasi-exclusivement autour de ce capitaine qui traîne derrière lui un passé chargé en horreurs (vécues et commises) et qui va, à travers un roadtrip à travers l’amérique, rencontrer et voyager en compagnies de différentes versions de lui-même, toutes similaires et pourtant ayant chacunes empruntées un chemin différent du sien, chacune avec une vision d’elle-même et du monde unique et riche en apprentissage.


On n’est pas ici en présence d’un Western actioner bourré d'action ; à l'inverse on se rapproche d'une grande épopée tragique, axée sur l'introspection.


Qu’il s’agisse de son camarade de toujours, atteint de dépression à cause du fardeau qu’il porte, trop lourd pour ses épaules, la jeune recrue (coucou Timothee Chalamet) qui ne connaît pas encore les horreurs qui l’attendent, le nouveau venu qui craint prendre goût au meurtre, Rosalee qui se bat pour garder son humanité après son deuil, un vieux compagnon qui se complait dans sa rage et sa haine ou encore son alter ego, le chef de clan Cheyenne, ultime incarnation de son passé meurtrier ; ils se succèdent tous à l’écran pour étoffer un univers complexe, et bon dieu que ça marche.


Christian Bale est saisissant en capitaine marqué par ses 20 ans de service, décrié comme un barbare par tous, d’apparence froid, et pourtant capable d’élan d’émotion d’une sincérité frappante, magnifique.
Alors même que l’objectif final de ce voyage est une mort digne et paisible, elle croisera violemment à plusieurs reprises le chemin de la funèbre caravane, fatalement délivrée par Joseph, la violence étant apparemment un habit dont il est impossible de se dévêtir.


Je ne saurais vraiment mettre le doigt sur pourquoi j’ai tant apprécié ce film, je ne m’attendais à rien, et petit à petit je me suis laissé toucher par ce monde crasseux et inhospitalier … Peut-on réellement juger ces âmes violentes dans de telles circonstances ?

LeSerpentMarrant
9

Créée

le 13 janv. 2022

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