Himizu
7.5
Himizu

Film de Sion Sono (2011)

Je connois mort qui tout consomme

Le DVD de ce film attendait d'être visionné depuis un moment.
Fatigué d'attendre que je le visionne en bonne compagnie, il s'est mis à hurler, à protester de son inutilité et a exigé d'être mangé illico par mon lecteur.
Je n'ai pas moufté ! Je ne sais pas ce qu'un DVD en colère serait capable de m'infliger... et quelquefois, il est bon de se soumettre à l'autorité quand celle-ci nous veut manifestement du bien.
Et puis je ne voyais pas de raison de repousser les délais, aucune âme ne souhaitant se dévouer.

J'ai découvert Sono Sion avec "Love Exposure" à la faveur d'une belle découverte que je dois à ce site.
Son univers intelligent, foisonnant, complètement barré m'a immédiatement séduite et j'ai continué d'aller à sa rencontre en parcourant sa filmographie. Il adapte ici un manga éponyme de Minoru Furuya.

Si "Cold Fish" interrogeait la place de l'homme dans la famille et la société, essayait de définir la notion de virilité, ici le cinéaste s'intéresse à l'enfance et à l'adolescence.

Le film s'ouvre sur une jeune fille, Keiko Shazawa (Fumi Nikaido à ses débuts) récitant un poème classique français de François Villon dans un paysage dévasté. Entendre "La ballade des menus propos", en japonais a fait écho à une éternelle interrogation qui me poursuit depuis des années : comment perçoit-on la poésie quand elle se voit traduite. Baudelaire a-t-il la même saveur quand on le lit en anglais ou en chinois ? A-t-on une réelle idée de la beauté des sonnets de Shakespeare quand on les lit avec des mots qu'il n'a pas choisis et qui lui étaient étrangers ?

Tout l'univers de cette adolescente est détruit autour d'elle. Ce qui l'entoure, ne tient plus debout et tout n'est plus que ruine. Dans ce chaos, Yuichi Sumida est le rayon de soleil de la vie de Keiko mais il ne le sait pas.
Après le drame de Fukushima, le Japon est en stand by et personne ne peut plus vivre comme avant et a du mal à se permettre de vivre tout court, Sono Sion prend acte de ce traumatisme pour nous transporter dans un univers post apocalyptique de son cru.
L'Adolescent en quête d'identité par essence doit se construire sans aucun des repères connus par ses aïeuls.
Un monde nouveau commence pour ce pays et cette société qui ne sait plus où elle en est ni vers où elle doit se diriger.
La vraie question est de savoir comment, dans la société dans laquelle on évolue, il est possible de prendre le temps et l'énergie de développer une vraie personnalité.

Nous assistons à un combat tragique entre Eros et Thanatos !
Quoi de nouveau jusque là me demanderez-vous à juste titre ?
Les pulsions n'ont désormais plus aucun cadre ni aucune limite.
La violence tient lieu de politesse naturelle et la civilisation se voit mise en congés.

Face à cette quête, chacun doit choisir de faire face, de suivre la voie attendue (ou pas. Comment se relever ?
Sono Sion, quand on attendrait un peu de réconfort préfère mettre une claque à son spectateur.


Evidemment que Sono Sion est plus malin que ce que j'en dis ne le laisse paraître. L'action se déroule dans un futur dystopique et n'a aucun fondement réel. C'est un possible inspiré de la triste réalité du Japon de cette dernière décennie.

L'amour peut-il être plus fort que la mort ?
Rawi
8
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le 2 mars 2015

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Rawi

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