Bras de fer téléphonique et anti-spectaculaire

Le point fort évident de "Hijacking", c'est sa façon de filmer une situation de prise d'otage maritime avec sobriété et pointillisme, dans une atmosphère presque intimiste, loin des canons du cinéma spectaculaire. En adoptant un montage alterné entre les bureaux danois froids et aseptisés et le bateau en proie à des émotions variées, Lindholm filme l'attente d'une manière très originale et réussie. Et la tension qui en découle est, elle aussi, autant savoureuse que singulière.


Le temps qui s'écoule lentement, une question de jours au début, puis de semaines, et enfin de mois : la tension subtile et pesante qui se crée petit à petit est vraiment remarquable. On est sur un registre tout à fait différent du "Captain Phillips" de Paul Greengrass. Ici, il y a une volonté manifeste de circonscrire le bras de fer de l'action à un dialogue téléphonique de plus en plus tendu, fragmenté, pour finalement laisser la violence de la prise d'otage en retrait (mais bien présente, et nuancée).


La narration est réduite à son minimum, le style visuel est froid et sec, sans grandiloquence. On est plus que jamais concentré sur l'avancée des négociations, entre demi-réussites et demi-échecs, on navigue au travers d'une atmosphère faite d'errance, d'incertitude, de compromis, avec d'un côté un cuistot manipulé de toutes parts, qui développe un instinct de survie, et de l'autre un PDG initialement orgueilleux qui veut jouer à la table des négociations. Une responsabilité qui sera d'ailleurs pondérée par l'influence des actionnaires vers la fin du film, de manière pas très subtile.


Quitte à me répéter, là où "Hijacking" convainc pleinement, c'est dans cette logique qui refuse toute forme de spectaculaire, de divertissement, de comportement héroïque. Il est à ce titre vraiment dommage que le film se termine sur un sursaut émotionnel à mon sens inutile et superflu, une touche de noirceur très artificielle (surtout quand on s'y attendait, en sachant qu'on regarde un film danois, on ne peut pas s'attendre à un happy end plein et entier) qui nuit à la mécanique sobre déroulée pendant les 100 minutes qui ont précédé.


(Avis brut #54)

Morrinson
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le 16 févr. 2016

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