Connu pour avoir écrit le scénario de la série politique Borgen, puis pour avoir travaillé avec Thomas Vinterberg sur les scénarios de Submarino et La Chasse, Tobias Lindholm réalise ici son deuxième long métrage. Hijacking raconte la prise d’otage d’un cargo danois au large de la Somalie. Suite à cela, une longue période de négociation entre les pirates et le PDG de la société de transport maritime commence. Des tractations qui semblent sans fin au grand dam de l'équipage prisonnier.


Le duel à distance entre le patron et le négociateur place rapidement les membres de l’équipage, ainsi que les pirates, dans de potentiels dommages collatéraux d’un monde où d'énormes bateaux chargés de marchandises passent à quelques encablures d'un pays où l'on meurt de faim. La mise en scène ne tombe pas dans le piège de la caricature. Les pirates ne sont pas dénués d’humanité, ne passent pas leur temps à hurler, tirer en l’air et brimer les otages. Le PDG n’est pas un salaud corrompu par le capitalisme et l’argent et pour qui la vie de l’équipage importe peu face à la perte engendré par l’immobilisation du cargo. Le marchandage semble nécessaire, justifiée par l’intervention du personnage Connor, expert dans la négociation avec les pirates.


J’ai bien aimé le parti pris de ne pas montrer l’assaut des pirates. Dans un film de prise d’otage, il parait aberrant de ne pas montrer l’attaque, ce moment où tout bascule. La surprise passée, on ressent une légère frustration, et puis on comprend que finalement, ces instants de vaine résistance de l’équipage face à une bande de pirates armée jusqu’aux dents ne sont pas indispensables. C’est ce qui plaît dans ce cinéma danois, la volonté de s’affranchir des dogmes et des tabous dont nous sommes habitués et ce, sans tomber dans la surenchère.


En recyclant le casting (Søren Malling, Pilou Asbæk et Dar Salim) de la série Borgen, Lindholm dresse intelligemment le portrait de ses personnages. Asbæk, qui joue le rôle du cuisinier du bateau, et Malling qui interprète le PDG sont deux acteurs convaincants qui apportent beaucoup de crédibilité au film, lui donnant presque des allures de documentaire.


Un an après la sortie d’Hijacking, un autre film à plus gros budget traite d’une histoire similaire. Captain Phillips, réalisé par Paul Greengrass, retrace la prise d’otage d’un équipage de cargo par des pirates somaliens. Pour avoir vu les deux films à quelques jours d’intervalles, je trouve qu’Hijacking se révèle être le plus abouti. Avec un format plus court d’une demi-heure par rapport à Captain Phillips, le réalisateur danois apporte globalement une intensité et une dimension à ses personnages que son homologue britannique n’atteint pas.


Si vous avez le pied marin, ne cherche plus, Hijacking est un film pour vous.

Vincent-Ruozzi
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le 24 sept. 2016

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Vincent Ruozzi

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