Après avoir passé 20 ans à célébrer High Fidelity comme la "Rom Com de bonhomme", à en parler comme une sorte de "Bridget Jones pour mec, mais en mieux" le revoir aujourd'hui fait l'effet d'une énorme claque. On se demande très sincèrement comment nous avons pu passer, pendant 20 ans et au moins 4-5 visionnages (dont la moitié en post-rupture avec un pot de Häagen-Dazs dans les mains) à tolérer l'incroyable toxicité du personnage principal. John Cusack dans ce film, c'est l'archétype d'un connard égocentrique qui ne se remet jamais en question, qui ne pense qu'à lui et tellement narcissique qu'il arrive à la limite du harcèlement. Mais alors, vrai faiblesse d'écriture ou, au contraire, prouesse narrative ? Est-ce que Hornby, adapté par la réalisation médiocre de Frears, ne réussit pas justement à nous envoyer dans la figure un message beaucoup trop subtil pourtant explicitement prononcé dès les premières minutes du film, quand Cusack regarde la caméra et se demande s'il est devenu fan de musique pop parce qu'il était misérable ou s'il est devenu misérable parce qu'il était fan de musique pop (à comprendre : est-ce que le romantisme et l'égocentrisme des geeks vient du fait qu'ils ont consommé trop de productions culturelles, films livres et autre qui validaient leurs sentiments sans les faire réfléchir, ou est-ce qu'ils sont devenu de gros geeks parce que leur vie sentimentale et sociale était misérable ) ?
On se demande ainsi si la raison à la personnalité si antipathique de Rob n'est pas simplement de tendre un miroir aux petits garçons pleurnichards qui essaient de comprendre leurs échecs amoureux en lisant les souffrance du jeune Werther avec Joy Division en arrière fond et de leur expliquer que s'ils s'identifient à ce personnage, c'est peut être qu'ils sont, dans le fond, pétris de contradictions.
Pour autant, c'est un film de confort, même un "hangout movie" plutôt réussi. Car même si ce n'est pas mieux filmé qu'un épisode de Big Bang Theory on prend plaisir à trainer dans ce magasin de disque avec ces vendeurs érudits, le Jack Black des débuts (un bon potentiel insupportable, mais quand même particulièrement drôle) et cette bande son pop alternative, le tour de force du passage du livre au ciné réside dans l'humanisation des personnages secondaire qui semblent tous "vivants" et qui constituent, même pour ceux qui ont un temps à l'écran très réduit, une sorte de famille auprès de qui on prend plaisir à se poser et écouter un bon disque des Beta Band.