Première guerre mondiale sur le front à l'Est de la France. Un obus explose dans le no man's land boueux qui sépare la tranchée alliée de la tranchée allemande. Dans un trou de mortier, Tom Holmes est laissé pour mort par son ami Roger Winston après s'être brillamment illustré au combat. C'est pourtant la poitrine de Roger que ornent les médailles et son nom qui résonne comme celui d'un héros. Pendant que Roger récolte les louanges qui sont dues à un autre, Tom est soigné dans un hôpital allemand et gavé de morphine, son état de santé critique ne permettant pas qu'on lui retiree les éclats métalliques qui jalonnent sa moelle épinière. L’armistice signée, les prisonniers de chaque bord sont renvoyés dans leur patrie. Sur le bateau qui les ramènes aux États-Unis, Tom et Roger se retrouvent par hasard. Un fantôme. Les deux hommes se serrent la main, sans rancune. Après tout, ces décorations ne couronnent que la barbarie d'un homme qui désire plus que tout oublier l'horreur de la guerre. Mais c'était sous-estimer leur pouvoir médiatique et la respect et la sympathie qu'elles suscitaient chez celui qui les arborait. Tom en fera l'amer expérience. De retour dans la banque où il travaillait avant de partir en France combattre les allemands et que co-dirige maintenant Roger, le fils du patron, Tom voit sa vie progressivement lui glisser sous les doigts. Pire, sa dépendance à la morphine s'aggrave à mesure qu'il se ruine et fraude pour se l'acheter. Les Winston ne le tolèreront pas en le renverront, direction la cure de désintoxication. Il en sortira trois ans plus tard, requinqué et prêt à entamer une nouvelle vie. Et c'est à Chicago qu'il posera ses valises (ses fesses, en réalité de valises il n'en a pas) dans un petit hôtel bon marché où il fera la connaissance de sa future femme, d'une amie aimante et dévouée et d'un allemand bricoleur et communiste de circonstance qui fera sa richesse. Désormais à l'abri du besoin et père d'une ravissante tête blonde, celui qui fit fortune grâce à l'automatisation du blanchissage, doit maintenant faire face à ceux qu'il a malgré lui jeté à la rue. Nous sommes alors au prémices de la Grande Dépression et malgré les discours de Roosevelt, ils sont des millions à survivre plus qu'à vivre. Sa ravissante jeune femme sera une victime collatérale de la révolte en cours. Son fils, un orphelin de deux ans. Car pris dans l'émeute, Tom est envoyé en prison pour cinq ans au bout desquels, à cause de son nouveau statut de "trouble à l'ordre public", il sera renvoyé de tout les états qu'il traversera par les brigades rouges. Ironie du sort, il retrouvera sur son chemin, aussi désœuvré que lui, son vieil ami Roger, tombé lui aussi dans la misère.


Heroes for Sale est un film très fort. Une magnifique chronique sociale sur la période courant de la fin de la Grande Guerre au début de la Grande Dépression : les années folles, dans tous les sens que peut prendre le terme. Wellman nous sort la totale : le champ de guerre humide et gelé du Nord Est de la France, le retour au pays en bateau, l'émergence du communisme aux États-Unis et la violente réaction qu'elle suscita (les brigades rouges notamment) et bien sûr les mouvements de masses et les exodes ruraux engendrés par la crise. Mais c'est un Wellman un brin railleur qui filme. Comment ne pas apprécier la cocasserie du communiste allemand aux principes si peu ancrés et sensibles à l'odeur de l'argent par exemple? Pour Wellman, si les revendications des travailleurs sont justifiées, le communisme n'est en revanche qu'un capitalisme déguisé derrière un épais manteau de crasse et de misère : le communisme c'est le capitalisme des pauvres! Wellman railleur mais Wellman en colère également. Celui qui fit la Première Guerre Mondiale pour de vrai ne put en effet pas s'empêcher de tirer à boulets rouges contre les vieux moralisateurs ventripotents restés aux pays, pendant que les jeunes se faisaient déchiquetés sous le feu allemand. Et ça fait un bien fou de voir ça. A noter la présence éclaire au casting de Ward Bond dans le rôle... d'un chef rouge... Cocasse.

blig
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le 4 déc. 2014

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