Dans un monde où les sentiments humains sont simulés, inventés, par des auteurs payés pour écrire des lettres à la place des expéditeurs, débarque une intelligence artificielle qui sait ressentir. Plus paradoxal et plus flippant que ça, on meurt. Joaquin Phoneix incarne ce gars qui "écrit" (dans ce monde futuriste on n'écrit plus, tout est régi par commande vocale) l'amour des uns pour les autres alors qu'il vit seul depuis un bout de temps, et c'est le meilleur de sa boite. Spike Jonze n'a pas voulu nous servir une nouvelle part de dystopie cruelle, même si certains des spectateurs ne pourront s'empêcher d'y voir ce côté négatif - comme moi par exemple...- non, la dérision est clairement présente.


C'est vrai que le système d'exploitation débarque un peu de nulle part, et par curiosité (surtout par solitude) Theodore s'en procure un. C'est là que commence une relation virtuelle et ambiguë qui me rappelle fortement les relations humaines passant via un écran. Au lieu de rencontrer une femme à travers un site de rencontre, Theodore rencontre un ordinateur à la voix extraordinairement humaine. Ayant vu le film en streaming on m'a servit une VF canadienne, mais pour cette fois, elle était terriblement juste et bien choisie.
Pour ceux qui sont encore sceptiques : OUI, on peut tomber amoureux d'une voix, d'une vision et d'une personnalité SANS physique. Au début ça fonctionne, c'est excitant, trop même, à tel point qu'on a envie de plus. Dans la vie, quand on rencontre quelqu'un sur internet, si on s'y attache, on a besoin de plus, parce qu'en tant qu'humain on a connu le contact physique, le partage des sens, alors le virtuel devient fade et répétitif. Mais Theodore n'a pas l'air de s'en soucier, c'est l'IA qui ressent le besoin d'avoir un corps, d'exister matériellement, et c'est impossible. Là, mon petit coeur se brise une première fois.


Possible Spoilers


Sauf que Samantha est une programmation informatique pas comme les autres puisqu'elle s'enrichie et évolue au fur et à mesure du temps. Ça fait d'elle celle qui porte la culotte dans le couple. Elle se fait à l'idée de ne pas avoir de coque, elle veut autre chose. Alors comment satisfaire un ordinateur quand on est un simple mortel ? Ne cherchez pas à répondre c'est impossible. Theodore se sent vite dépassé.


Le gros problème du film c'est que le protagoniste met un temps fou à se questionner sur sa relation avec un ordinateur high level. C'est vrai, tout le monde le prend au sérieux dans sa relation, tout le monde lui dit de foncer (sauf son ex-femme en fait), alors forcément, il ne se demande pas si c'est bien ou mal. D'ailleurs, se système informatique se généralise à quasiment toute la populaiton. Mais moi je me le demande ! Quoi ce mec va finir sa vie seul avec une voix, à voir occasionnellement sa meilleure amie ? Ça paraît inconcevable pour certaines générations, et presque normal pour les plus jeunes pousses qui vivent dans un monde virtuel la moitié de leur temps...


Ce qui m’effraie moi, c'est de ne pas savoir si c'est mal ou si c'est bien de se complaire dans le virtuel. Peut-être que nous étions voués à finir comme ça, à progresser, évoluer, jusqu'à construire des machines nous ressemblant. Mais après je me dis... pourquoi construire des robots aussi efficaces que nous (même plus en fait) et aussi ressemblants alors que nous pouvons côtoyer tout un tas de personnes qui existent déjà ? C'est complètement fou puisque ça participe au fait de nous rendre de plus en plus seul au milieu de cette démographie grandissante. Rappelez-vous qu'on parle de surpopulation... Et on tend vers cette nouvelle réalité fabriquée.


Her est selon moi un film de science fiction réussi parce qu'on entre dans un univers nouveau auquel on s'acclimate facilement et duquel on finit par se méfier. C'est aussi une belle romance, avec des dialogues souvent poignants, dont les répliques de Samantha ne sont pas sans rappeler Lucy, la fille génétiquement modifiée (par une drogue dure) et dont la thématique sera reprise dans un autre contexte dans Ex-Machina que je recommande aussi d'ailleurs. J'ai eu tendance à m'attacher davantage à Samantha qu'à Theodore, ou peut-être était-ce à leur relation que je tenais ? C'est sûrement pour ça que je n'ai pas été émue par le final fade de la pellicule. En tout cas je ne suis pas d'accord avec ceux qui ne voient ici qu'une comédie romantique sans mise en perspective et sans réflexion initiée.

abauteure
9
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le 13 févr. 2018

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