Avec Hedi, Mohamed Ben Attia raconte l’histoire d’une révolution presque impossible, mais qui souffle pourtant dans la vie d’un trentenaire tout chamboulé.


Quand on le rencontre, Hedi est happé par les envies des autres, les siennes sont en suspens. Il s’apprête à épouser une femme qu’il connaît très peu, tout est organisé par sa mère, et travaille sans compter pour un boulot qui évolue en porte à porte. Le regard porté sur le personnage est donc d’abord celui d’un empêchement. Le réalisateur insiste sur l’immobilisme d’Hedi, sa fadeur, presque pour insister sur l’agitation des autres, leur couleur. La mère est enthousiaste, envahissante. La petite amie est pleine de désir d’avenir. Quant à Rim, dont il va bientôt croiser le chemin, c’est la joie de vivre même. Ces trois femmes très différentes sont des figures passionnantes, bien plus qu’Hedi au final. Car Hedi est une métaphore, celle d’un pays qui tentera lors du printemps arabe de sortir de sa léthargie, de se défaire de ses démons. Pourtant, on sait aujourd’hui que la situation de la Tunisie, toile de fond du film, est loin d’être révolutionnaire. On voit donc des traditions perdurer. Et le personnage le plus libre est finalement celui (enfin celle) qui a fait le choix du voyage, de l’ailleurs.


L’amour fou ?


La rencontre entre Hedi et Rim ressemble à une poésie absurde et c’est « beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie ». Car c’est elle qui est l’image la plus belle d’un pays qui voudrait s’ouvrir au monde, grandir, pétiller, se libérer. Elle n’a pas d’attaches, mais tombe pourtant amoureuse. Elle ne supporte que la vérité, la douceur, la beauté. Elle ne reste pas sur place. Tout le contraire d’Hedi, que l’on voit surtout errer, redire les mêmes discours (pour appâter des clients), et faire le même trajet en voiture. Résultat, le film est à dominance grise. C’est ce qui gâche un peu le plaisir, l’ennui n’étant jamais bien loin. L’acteur Madj Mastoura compose un personnage fermé, plein de reproches, qui tente de faire sortir ce qu’il contient en lui. Une vraie tête à claques au final. L’image d’un pays qui s’est écrasé en pleine révolution… Le printemps s’est changé en automne, puis en hiver. La course immuable des saisons a repris.

eloch
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le 22 déc. 2016

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