Michael Mann mettra plusieurs années avant de parvenir à réaliser et produire Heat, adaptation d'un scénario de 180 pages écrit par ses soins dans le milieu des années 80. Forcé dans un premier temps de le tronquer d'un tiers pour un téléfilm intitulé L.A. Takedown et commandé par la NBC, le réalisateur saura faire preuve de patience pour enfin pouvoir monter son chef d'œuvre.


À Los Angeles, une équipe de braqueurs dirigée par Neil McCauley se voit contraint d'intégrer une nouvelle recrue, Waingro. Lors d'un braquage de fourgon, ce dernier abat froidement l'un des convoyeurs. L'enquête est confiée au lieutenant Vincent Hanna qui n'aura de cesse d'arrêter les auteurs du braquage.


Avec un scénario bien plus étoffé qu'une simple histoire de gendarme et de voleur, Heat possède également une esthétique incroyable dont certaines caractéristiques deviendront une sorte de marque de fabrique Mann notamment en s'appropriant la nuit, cette période entre le crépuscule et l'aube où les protagonistes montrent leur humanité dans une intimité teintée d'une mélancolie bleutée. Mann ne filmera aucune scène en studio, mais uniquement à L.A. et ses alentours, trouvant dans ces paysages urbains composés de grandes artères et béton un vaste terrain de jeux, créant de façon artificielle de nombreuses échappatoires pour ses protagonistes.


Il est inconcevable d'aborder ce film sans parler du duel entre Hanna et McCauley. Interprété par deux monstres sacrés du cinéma, Al Pacino et Robert De Niro, ce duel se jouera majoritairement à distance, créant une profonde tension ne retombant que lors de la confrontation directe. Les deux héros partagent de nombreux points communs, dont ce professionnalisme souverain occultant leur vie personnelle. Cette soif inextinguible de réussite les a en effet rendus taciturnes et solitaires. Ce qui les différencie est la voie que chacun a choisie. Banditisme pour l'un, force de l'ordre pour l'autre, les deux personnages, aguerris et minutieux, excellent dans leur domaine respectif.


Heat est une œuvre colossale de près de 3 heures. On retrouve des thèmes caractéristiques, comme la vengeance et l'honneur, sublimés par le jeu d'acteur. La mise en scène des casses et fusillades possède une chorégraphie incroyable. Le meilleur exemple est la séquence de confrontation à la sortie de la banque entre McCauley avec son équipe et Hanna épaulé par une bonne trentaine de policiers. Dans un champ-contrechamp épique, Mann transforme le calme et la monotonie d'une artère de la cité des anges en un terrible chaos urbain à grand renfort de tirs d'armes automatiques, de cris des passants terrorisés et d'impacts en tout genre.


À l'instar d'un John Ford et les grandes plaines sauvages américaines, Michael Mann fait de l'immensité tentaculaire de L.A. un terrain de jeu pour ses protagonistes. Servi par un casting cinq étoiles avec son duo d'anthologie et ses nombreux personnages secondaires, la puissance visuelle du film sublime un scénario travaillé pendant quinze ans. Présent dans la culture populaire au même titre qu'un Scarface, Heat est, dans le genre policier, un film intemporel.

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le 15 juil. 2018

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Vincent Ruozzi

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