Difficile de s'attaquer à Harry Potter sans passer pour un monstre sans cœur, bûcheron du merveilleux et rabat-joie notoire. Aussi, je tiens à clarifier immédiatement ceci : Harry Potter and the Philosopher Stone me courrouce car il est un mauvais film, PAS une mauvaise histoire...
L'histoire au sens large, elle se tient. Même s'il n'y a pas franchement d'idée originale, la structure du récit et ses enjeux, tant physiques que thématiques sont clairs. Un hybride entre la Fantasy classique, telle que représentée par Tolkien ( avec ses figures immuables du brave gentil et du super-méchant liés par le destin, du vieux sage barbu malicieux, des potes-contre-vents-et-marées, etc... ) et l'espièglerie moderne de Roald Dahl. C'est surtout cette deuxième influence qui est manifeste : la trame est complètement calquée sur Matilda.
Une jeune personne, tyrannisée par sa famille, va se rendre compte qu'elle a des pouvoirs magiques, obtenir le droit de quitter la maison pour aller à l'école où elle se fera des amis et des ennemis, aussi bien parmi les élèves que dans le corps professoral, et usera de son intelligence et sa pugnacité pour éradiquer un Grand Mal.
Les bases jetées, le film a toutes ses chances, d'autant plus qu'il ne démarre pas avec un quelconque handicap. La musique de John Williams est toujours aussi mémorable, le casting irréprochable, constitué de la fine fleur du Royaume Uni, et aux commandes, Chris Colombus sacré Pape-du-film-à-mioches depuis Home Alone.
Alors qu'est-ce qui cloche, me direz-vous ?
Tout d'abord, le rythme. Dès les premiers instants, un rythme lent et posé fait surface, ce qui, en ces temps où Michael Bay est roi, fait du bien. Mais petit à petit on est obligé de se rendre compte que TOUT prend du temps. Les anecdotes les plus bénignes vont occuper des minutes de projection, hors de proportions ! Dumbledore éteint les lumières de la rue, le courier insiste encore et encore, Harry découvre un nouveau pan secret de magie... Tout est interminable. Il y a même des scènes qui n'aboutissent à rien : certains segments entiers ne sont là que pour émerveiller le spectateur une fois de plus, comme s'il n'était pas capable de s'émerveiller par lui même.
C'est ce deuxième point qui me rend le film particulièrement insupportable. La mise-en-scène de l'émerveillement est tout simplement ratée. Tout au long de l'Acte I, on voit des myriades de marmots prendre de profondes inspirations en pointant du doigt le moindre élément de décor. Y compris ceux qui sont élevés dans un monde magique depuis leur plus jeune age, et y compris ceux qui sont en dernière année ! Pour commencer ça n'a aucun sens, mais il y a plus grave : ça court-circuite l'investissement émotionnel.
Moi j'en ai marre qu'on m'ordonne de m'émerveiller à heure fixe, avec un gros Stabilo qui hurle : "LÀ MAINTENANT !"
Ensuite, y'a des effets spéciaux qui, même pour 2001 sont moches à pleurer du sang. Le match de Quidditch est infesté de polygones grossiers, à peine dignes de la PlayStation 2. Les incrustations font peur à voir, et les personnages infographiques sont sans vie. Heureusement qu'il y a encore certains effets qui ont été construits et exécutés en dur, à même le plateau. Mais ça ne suffit pas à tirer l'ensemble du film vers le haut. Harry Potter and the Philosopher Stone est repoussant.
Il reste donc l'histoire, me direz vous. Et en effet, ça n'est pas là que le film pêche, preuve sans nul doute que le matériau de base était bien supérieur. Encore que... Je trouve toujours aberrant que les pièges fomentés par "Les meilleurs professeurs de Hogwarts" se trouvent déjoués en une soirée par des Première-Années. Y sont mythos ces profs.
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Appendice : un mot sur l'adaptation.
Les années ont passé, et j'ai revu cet épisode plusieurs fois. Mon aigreur s'est calmée depuis 2001, et si je trouve toujours le film mauvais et repoussant, j'ai entre temps pris la peine de lire les livres.
Par la barbe de Merlin ! Il est bien là le problème. Car si certains aspects les moins reluisants ( Magie à l'emporte-pièce, narration calquée sur Matilda etc... ) sont déjà là, au moins le rythme est trépidant. Il aurait fallu Edgar Wright aux commandes !
Chris Colombus a harnaché son traineau à une tortue : le film se traine sur d'épuisantes minutes d'un académisme somnolant, là où le livre virevolte, papillonne et fanfaronne à loisir. Sans déconner, vivement qu'on le vire !