En voyant la bande-annonce de «Hamilton», j’ai pensé que peut-être les suédois avaient là produit une perle injustement méconnue, outrepassant les formules et les conventions américaines du genre, qu’ils avaient peut-être su monter des scènes d’action sinon aussi spectaculaires du moins efficaces et réfléchies, que les personnages seraient développés de façon plus satisfaisante que dans les œuvres mainstream, et j’ai aussi cru que le climat austère du pays fournissait des moyens mentaux et visuels permettant d’y parvenir.


...j’étais naïf.


Rien ne fonctionne dans le film. Peter Stormare n’est absolument pas crédible dans le rôle, et d’ailleurs pas grand’monde ne l’est (j’excepterai cependant le policier russe et l’agent russe). Tout sonne creux, les personnages, les scènes d’action, le scénario surtout.


Tout démarre par des scènes ma foi sympathiques, mais continue en présentant le méchant (Mark Hamill, dans un surjeu fatigant) de façon complétement casuelle, annihilant le suspense et la contenance qu’il aurait pu avoir. Au début je m’attendais encore à un scénario intelligent mais sibyllin, typique des films d’espionnage. En fait il est concon et limpide: méchant ex-CIA voler missiles russes, méchant revendre missiles, mais gentils tuer méchant avant. Les problèmes commencent là. Aucun personnage principal n’est présenté, ils sont juste là, à peine leurs relations sont établies et ne semblent rien comporter sous la surface. Hamilton a une femme qu’il est censé aimer, or on ne sent rien entre eux, ils se regardent comme des meubles. J’ai découvert, assez tard pour en avoir quelque chose à faire, qu’il avait aussi un meilleur ami. Je comprends que les spectateurs suédois savent tout ça, mais ce n’est pas pour autant une occasion de négliger d’établir les enjeux et de rendre les personnages attachants. Là, ce sont des fonctions; ils n’ont pas de psychologie. L’excuse selon laquelle en Suède les gens sont froids et professionnels ne prend pas: des manières existent de placer ses pions subtilement et efficacement. Ces personnages fonctionnels débitent, logiquement, des dialogues fonctionnels et très didactiques.


En plus des «personnages», c’est surtout le rythme qui est géré n’importe comment, ou plutôt balancé en l’état. Les scènes s’enchaînent sans rien perdre du temps, comme s’il fallait se dépêcher pour raconter une histoire (une histoire? où ça?) qui à peine tiendrait en 2h. On reste donc dans le factuel le plus plat, sans tenter d’insuffler de la vie dans le métrage. C’est un mort-né, malgré le rythme soutenu, voire étouffant.


Le film ne s’embarrasse pas de détails réalistes ou cohérents. Les scènes d’action en souffrent particulièrement. Je suis censé croire que Peter Stormare peut entrer dans un tuyau de vide-ordure (sûrement l’équivalent russe des conduits d’aération américains)? Ou sortir tout sale et tout puant parmi des dizaines de soldats russes sans être reconnu juste parce qu’il a mis un manteau d’officier? Est-on dans Commandos? Et Mark Hamill peut, lui, survivre à un champ de mines tranquillement, pour intervenir lors d’un combat final qui dure environ 20 secondes? Ce n’est pas l’existence de ces choses que je critique, c’est le contexte et leur réalisation. Tout ça est facile et sonne faux, de sorte que j'’avais presque envie de bâiller. C’est la formule la plus éculée en fait, sans recul (avec une exception notable), sans moyens, sans classe aucune.


D’ailleurs, à la fin, devinez quoi, le méchant envoie son agent russe prendre en otage la femme d’Hamilton. PITIÉ. S’il attaque le méchant, sa femme mourra. Hamilton s’en branle complet, il attaque et sa femme ne meurt pas, parce que l’agent était incompétent. Je ne commente même pas. Cette fin gratifie aussi le spectateur de nombre de stock-shots des navires de guerre américains, et d’une explosion avec effet 3D dégueulasse (un pneu numérique arrive vers l’écran).


La photographie et la musique sont quelconques. La première dessert, comme souvent, les scènes d’action.


Quelques bonnes choses. L’humour est parfois sympathique, même si le tout est bien trop sérieux, trop impersonnel pour à partir de cette étincelle allumer la vie dans le film. Aussi une scène est exceptionnelle du point de vue de l’idée: l’équipe d’ Hamilton doit se débarrasser d’un groupe de contrebandiers qui traînent un missile russe. Sauf qu’à la place de gens préparés, ils trouvent quelques jeunes inexpérimentés et sans armes. La mission étant claire, ils doivent les éliminer et éliminer toutes les traces. Le professionnalisme des agents est bien montré, ainsi que leur difficulté à se détacher de l’inhumanité de la tâche qu’ils ont devant eux.


J’ai dit le principal, et même si autre chose peut être décortiqué, ça n’en vaut pas la peine. Ce film sur l’espion suédois Carl Hamilton est pourtant dit par certains être la meilleure adaptation des romans de Jan Guillou. Personnellement, j’y ai vu un film inutile de plus.

Owen_Flawers
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le 15 mars 2017

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