Comme le dit Peter Biskind dans son ouvrage sur le Nouvel Hollywood, le plus grand des drames au cinéma est de mourir. C'est malheureusement le cas de Hal Ashby, disparu en 1988 à l'âge de 59 ans mais dont la courte carrière, une vingtaine d'années, fut incroyable.
C'est ce que raconte ce documentaire de Amy Scott, dont c'est la première réalisation, et qui, comme Hal Ashby, a été monteuse.

Hal Ashby a commence à travailler très jeune sur Hollywood après une enfance difficile marquée par le suicide de son père alors qu'il avait douze ans, et qui lui laissera un profond traumatisme. Il va grimper les échelons de la hiérarchie des studios, notamment en compagnie de William Wyler, pour collaborer en particulier avec Norman Jewison avec qui il sera le monteur de cinq de ses films, dont Dans la chaleur de la nuit qui lui permettra de gagner son seul et unique Oscar.
Le rapport fraternel sera si fort entre Jewison (interviewé dans le documentaire et très ému) et Asbhy que le premier laissera au second le loisir de passer à la réalisation avec Le propriétaire, qu'il lui produit. Le film n'aura guère de succès mais la critique sera telle que Ashby pourra tourner un second film, le formidable Harold & Maude, comédie noire, et ainsi de suite pour une décennie 70s dont je suis à deux doigts de dire que c'est la plus belle pour un réalisateur américain à cette époque. Au moemnt d'écrire cette critique, je n'ai pas encore vu Le propriétaire, mais de Harold & Maude à Bienvenue Mister Chance, c'est un sans-faute qualitatif, six films tous brillants pour différentes raisons.
Ce qui explique sans doute la présence de très nombreux collaborateurs et admirateurs, dont ses scénaristes, des monteurs, des assistants, des acteurs comme Jane Fonda, Jeff Bridges, Jon Voight, et même deux de ses épouses, car Ashby a été marié cinq fois ! D'ailleurs, le réalisateur s'exprime beaucoup à travers des lectures de lettres (narrées par Ben Foster) ou des enregistrements audios.

Sa vie privée est également évoquée, mais de manière plutôt brève, car étant insomniaque, il passait son temps à être sur ses films, voire à travailler 24 heures de suite, ce qui donnait l'impression à ses épouses qu'il les trompait avec le cinéma. Son look est également atypique, avec ses longs cheveux, sa barbe à la Raspoutine et ses lunettes de soleil qui devaient sans doute cacher le fait qu'il était régulièrement défoncé à diverses drogues, ce qui est évoqué là aussi, car ça avait l'air de booster sa créativité.
Hal Ashby était un homme qui était clairement en but avec l'autorité, qui voulait faire ce qu'il voulait avec son film, et pour qui un remontage était presque pour lui un crime. Il y a d'ailleurs une anecdote assez drôle sur La dernière corvée où le studio Columbia veut faire des coupes, et Hal Ashby dérobe le négatif et le ramène chez lui ; étant donné que si les exécutifs qui rentreraient chez lui sonnerait comme une infraction, il peut monter le film comme il l'entendait.

Ce côté rebelle, hors du système, se retrouve dans ses films, comme Shampoo (qui est davantage une production de Warren Beatty), le personnage de Woody Guthrie (En route vers la gloire) ou Luke du Retour, une de ses plus belles réussites. D'ailleurs, il faut dire que pour ce dernier, Jane Fonda et Jon Voight ont chacun gagné un Oscar.
Les années 1980 seront plus difficiles, les studios ayant repris la mainmise sur les réalisateurs et Hal Ashby se fera broyer par le système, avec le remontage de Lookin' to Get Out et celui de 8 millions de façons de mourir, dont ce sera le dernier film, qui sera une amère conclusion.

Hal Ashby est un réalisateur qui me passionne, et dont je suis toujours impatient de découvrir les quelques films qui me restent à voir de lui, en particulier Le propriétaire, mais à juger les divers témoignages admiratifs, dont ceux prononcés à son oraison funèbre (Warren Beatty, Bruce Dern ou Burt Cort) dont on voit des extraits, il avait l'air d'être aimé. Aujourd'hui, il est clairement reconnu par des réalisateurs comme David O.Russell, Adam McKay ou Judd Apatow, et pourvu que son héritage cinématographique dure !
D'ailleurs, ce documentaire, au final très complet, a été financé en partie par une campagne de crowdfunding.

Boubakar
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le 18 avr. 2021

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